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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/787

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catholiques belges, sinon avec une sympathie directe et avouée, du moins avec une contenance passive. La Néerlande, ce petit pays que pressent et menacent de grands états, a senti de tout temps le besoin de se couvrir, comme autrefois les Juifs, d’un Dieu national. La foi calviniste s’est incorporée à la défense du territoire, aux monumens publics, à l’histoire visible du pays ; c’est de cette position élevée qu’elle défie les entreprises et les revendications des dissidens. Le jour où le parti catholique triompherait en Hollande, il lui faudrait abattre, sur une des places de La Haye, la statue du Taciturne. Ce jour-là, ce ne serait point le protestantisme qui tomberait, ce serait, avec lui, tout le passé glorieux de la nation néerlandaise. La question religieuse exige en Hollande une étude spéciale et approfondie : nous avons voulu seulement indiquer un rapport, trop peu remarqué jusqu’ici, entre la forme géographique des Pays-Bas et la forme générale des croyances.

Si le protestantisme est le boulevard moral de la Hollande, l’eau est son moyen de défense matérielle. C’est une des industries de la race batave que d’avoir fait servir à ses besoins et à sa sécurité les élémens que la nature lui avait donnés pour ennemis. La fameuse menace des Parthes : « si vous ne plongez comme des grenouilles, vous n’éviterez pas ces flèches, » n’effraierait pas beaucoup les habitans de la Néerlande. Au moindre signal, le pays peut se changer en eau : il disparaît. L’inondation volontaire, artificielle, est ici la base du système stratégique. Dans leur guerre avec les Espagnols, notamment au siège de Leyde, les Hollandais appelèrent à leur secours ce dangereux allié : on vit alors se livrer moitié sur terre, moitié dans l’eau un véritable combat de Tritons. Ce moyen, il est vrai, ne leur a pas toujours réussi. Les soldats apprennent aujourd’hui à manœuvrer sur la glace pour éviter les surprises de l’hiver, qui rend tout à coup l’eau solide. Ainsi enveloppée, gardée, fortifiée, couverte d’ailleurs du côté de la mer par des bancs de sable, défense naturelle et excellente, la Hollande se maintient calme et résolue, les yeux fixés sur l’Inde. Les colonies sont pour elle une source de richesses. Beaucoup de ses anciennes possessions lui ont été enlevées ; mais ce qui lui reste est encore assez considérable et peut s’accroître entre des mains habiles. Il n’est pas rare de rencontrer des Hollandais qui ont passé vingt ans, trente ans aux Indes ; ils parlent volontiers de ce qu’ils ont vu, du soleil de Java, des femmes brunes, des tigres, des bananiers. Un rayon de ce soleil perce à travers les brumes de la Batavie. Dans les expositions de fleurs, souvent même aux vitres des maisons, on voit des plantes de l’Inde. Dans les jardins et les collections zoologiques s’épanouissent les oiseaux de ces contrées heureuses. Il existe des dictionnaires, des grammaires en hollandais sur les diverses langues qui se parlent dans l’archipel