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Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/792

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de faïence qui contient la tourbe allumée. À la nuit, le roef se divise en deux parties, — un salon et une petite chambre à coucher dont on relève les rideaux. Un lit commun, qui remplit toute la largeur de la cabine, et sur lequel hommes et femmes dorment honnêtement les uns à côté des autres, vous invite à prendre votre part du calme et du repos universel de la nature. Ce lit est composé d’un matelas et d’une couverture ; on s’y étend tout habillé. Pendant ce temps, le bateau continue sans bruit son chemin à travers les eaux qui se divisent des deux côtés de la proue en un sillon argenté.

Sur les chemins de fer, la vapeur efface tout sous la vitesse ; dans les barques, vous jouissez à votre aise du paysage et de la physionomie des villes ou des villages qui se rencontrent sur votre route. Assis près du gouvernail, vous laissez vos yeux errer çà et là sur les eaux qui cèdent à l’impulsion de la barque avec un léger clapottement, sur ces voiles blanches, rouges ou noires, qui animent la solitude du canal, sur ces prairies où des vaches habillées au printemps de chaudes couvertures paissent gravement l’herbe humide, sur ces beaux oiseaux de marécages qu’on ne voit point ailleurs, sur les femmes qui lavent silencieusement leur linge, sur cette bordure de châteaux, de maisons de campagne et de jardins qui se continuent. On a reproché aux paysages de la Hollande la monotonie ; mais peut-être n’y a-t-on pas regardé à deux fois. Ici, ce n’est point sur la terre qu’il faut chercher la variété, c’est dans le ciel. Levez les yeux : le ciel est plus accidenté dans les Pays-Bas que dans le midi de la France. Ces grands nuages aux mille formes, aux couleurs changeantes, aux ailes rapides, donnent un mouvement singulier au paysage. Sur la terre et sur l’eau, les accidens d’ailleurs ne manquent pas. La nature des Pays-Bas est une nature de daguerréotype, nette, positive, délicate, qui abonde en détails minutieux et charmans. La propriété individuelle n’est point emprisonnée ni masquée ; les champs, les jardins, les biens de la terre sont murés par l’eau. Dans ces fossés, qui tiennent lieu de haies, s’épanouit toute une flore aquatique, laquelle n’est ni moins riche ni moins variée que la flore terrestre. Au printemps, la surface sombre des canaux est toute piquée de fleurettes blanches, auxquelles s’associent bientôt les nénuphars et les iris : c’est la fête des eaux. Il n’y a pas si petite plante dans cette froide et humide nature végétale qui n’ait son jour de beauté. La vie n’est d’ailleurs pas absente de la scène. Sur les bords du canal marche de distance en distance un robuste garçon, quelquefois une femme courbée, qui remorque péniblement sa barque. Ces maisons de bois logent des ménages qui naissent, qui vivent, qui meurent là. Souvent une mère, assise près du gouvernail, donne Gravement le sein à son enfant. Le Hollandais est si