Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 11.djvu/817

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réalise pas toujours, je suis forcé de l’avouer ; mais il n’y a pas un de ses échecs qui ne soit aussi glorieux que le plus grand nombre des victoires célébrées à son de trompe. Comme il aborde constamment des sujets difficiles, il fait une plus grande dépense de force que les trois quarts des triomphateurs. Il n’entre jamais dans une ville ouverte. Vainqueur ou vaincu, il fait toujours preuve de valeur. Aussi, quoique je n’approuve pas le choix des sujets apocalyptiques destinés au Campo-Santo de Berlin, je pense que de telles œuvres feraient honneur aux plus habiles.

Je regrette vivement de ne pas voir à côté des cartons de Cornélius quelques-unes des grandes compositions d’Owerbeck, car ce serait une excellente occasion pour démontrer une fois de plus, et pièces en main, la supériorité de l’esprit catholique sur l’esprit protestant dans le domaine de l’art. Il ne m’appartient pas de traiter le côté théologique de la question ; mais à ne considérer que le côté esthétique, je suis obligé de me prononcer pour la religion romaine. Les compositions d’Owerbeck, popularisées par la gravure et la lithographie, et qu’il m’est permis d’appeler en témoignage, me fourniraient un argument décisif. Bien que ce maître illustre ait manqué à l’appel, bien que ses œuvres ne figurent pas à l’exposition universelle des beaux-arts, pour parler avec justice de l’école allemande, il faut de toute nécessité introduire Owerbeck comme élément de discussion, car il résume le génie catholique de l’Allemagne, comme Cornélius en résume le génie protestant. Pour Owerbeck, la peinture n’est pas seulement un art, mais une religion. Fidèle aux traditions de Pierre Vischer, quand il retrace les légendes chrétiennes, quand il met en scène la Vierge et les saints, il croit, comme l’auteur du tombeau de saint Sebald, travailler activement au salut de son âme. Quoique cette dernière considération n’ait rien de commun avec l’objet de notre tâche, nous aurions tort pourtant de ne pas la mentionner. Il est évident qu’un peintre pour qui la peinture est une religion apporte dans le choix des sujets et dans l’expression de sa pensée une franchise, une conviction qu’on chercherait vainement chez un peintre vivant de la vie du siècle. Sous ce rapport, Owerbeck mérite une attention toute spéciale. Il crée parce qu’il croit, et ses œuvres, conçues dans le recueillement de la prière, sont une prière nouvelle qu’il adresse à Dieu.

L’art ainsi conçu ne manque certainement pas de grandeur ; toutes les croyances profondes et sincères ont droit au respect ; malheureusement la confusion de l’art et de la religion entraîne avec elle de fâcheuses conséquences : elle obscurcit peu à peu, à l’insu même du croyant, la notion de la beauté, elle lui dérobe le sens de l’histoire. Or c’est là précisément ce qui est arrivé à Owerbeck. Doué de