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la reconnaissance et l’élévation de l’esprit. C’est en elle seule que je mets ma confiance. Que mon imagination retienne sans cesse devant moi mon Christophe Colomb ! Dieu, bénis mes efforts à travers tous les changemens de la fortune, mène-les au succès, soutiens ma chère Marie et ma famille. Amen. »

« Ce matin, dans la crainte d’être réduit aux extrémités, je suis sorti pour rendre à un jeune libraire, chargé d’une famille, des livres que je ne lui avais pas payés. Pendant le trajet, l’idée que j’en pourrais tirer de l’argent me vint à l’esprit. Cela me souleva le cœur contre moi-même. Je descendis chez le libraire, et je lui dis que je craignais d’être en danger, que par là je pouvais lui occasionner une perte, et que je le priais de garder ses livres pour quelques jours. Il me fut reconnaissant, et c’est le soir que je reçus les 1,250 francs. Je sais ce que je crois. »

« 18. — O Dieu, soutiens-moi à travers les maux de cette journée. Grand tourment d’esprit. Mon propriétaire Newton est venu. Je lui ai dit : — Newton, je lis un terme sur votre visage, mais de moi rien. Je suis convenu de le revoir demain soir pour lui exposer ma position jusqu’au dernier iota. — Par votre bonne âme, Newton, lui ai-je dit, ne me faites pas saisir. — Qui pense à cela ? m’a-t-il répondu à demi blessé… »

« J’ai envoyé les portraits du Duc, de Wordsworth, de mon cher Frédéric et de Marie à miss Barrett, pour les mettre sous sa protection. J’ai les bottes et le chapeau du Duc, l’habit de lord Grey et quelques autres têtes. »

« — 20. Dieu, protége-nous à travers les maux de ce jour. Amen.

« — 21. Nuit horrible. J’ai prié dans l’affliction et je me suis levé dans l’agitation.

« — 22. Que Dieu me pardonne. Amen.

Fin

de

B. R. Haydon.

« Ne m’étendez plus sur ce monde qui blesse » (Lear).

« Fin du vingt-sixième volume. »

Suivant l’éditeur de l’autobiographie, ces paroles dernières furent écrites entre dix heures et demie et dix heures trois quarts, le matin du lundi 22 juin. Avant onze heures, la main qui les avait tracées était glacée et raidie par une mort volontaire.

Nous n’essaierons pas de tirer la morale de cette histoire, ni de l’embellir ; nous ne terminerons pas cependant sans consacrer encore quelques lignes aux prétentions littéraires de Haydon. Ses écrits et ses discours ne sont guère qu’un hors-d’œuvre dans sa vie, car c’est à être un peintre qu’il avait mis son ambition et sa gloire. Ils ne sont pas non plus de nature à compenser l’impression pénible que laisse sa carrière d’artiste. Pourtant c’est encore dans ses écrits qu’il s’est montré le mieux ; c’est là du moins qu’il a laissé le peu d’indices qui pourraient donner une idée moins défavorable de ses capacités plastiques, et c’est pour nous une raison d’en dire quelques mots avant de finir.