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aussitôt sans odeur ni fumée, et les alimens y sont cuits plus vite qu’à un feu de bois. Pour éteindre le foyer, il suffit de fermer l’ouverture. Les solitaires se chauffent à ce feu pendant l’hiver. Il ne leur faut pas non plus d’autre lumière pour éclairer leurs cabanes : chacun plante dans la terre au pied de son lit un roseau dont l’extrémité supérieure est enduite d’argile ; on y met le feu, et le roseau brûle sans se consumer.

« La contrée présente encore un autre phénomène bien remarquable. Après de douces journées d’automne, quand l’air du soir est tiède, les champs qui entourent la ville de Bakou semblent être tout en flammes. Souvent on dirait que des masses de feux roulent du haut des montagnes, puis toute la chaîne des monts est illuminée d’une claire lumière bleuâtre. Ces flammes innombrables, les unes isolées, éparses, les autres réunies en un foyer ardent, couvrent parfois toute la plaine pendant les chaudes et sombres nuits, et inspirent une terreur profonde à tous les animaux. Ce phénomène dure environ quatre heures après le coucher du soleil. C’est en octobre et en novembre qu’a lieu le plus souvent cette apparition merveilleuse, pourvu que le vent d’est ne souffle pas. »


M. Hansteen a fait encore plus d’une observation intéressante aux environs d’Astrakhan ; il a visité les colonies allemandes des bords du Volga, il a vu à Sarepta une communauté de frères moraves, il a même recueilli de curieux renseignemens sur une colonie française établie naguère en ces contrées et entièrement disparue à l’heure qu’il est. Est-ce donc quelque fléau, quelque peste meurtrière qui a emporté ces malheureux ? Non, la colonie s’est peu à peu dispersée, tous les colons, hommes et femmes, ayant été attirés dans de riches familles de Russie et de Sibérie en qualité de précepteurs et de gouvernantes. Si ces paysans, dit M. Hansteen, ne parlaient pas mieux leur langue que les colons souabes ou saxons du Volga ne parlent la langue allemande, les jeunes princes et les jeunes princesses confiés aux soins de ces braves gens ont dû recevoir de singulières leçons. Il paraît que cet allemand, mélangé de russe et de tartare, est devenu le plus burlesque des patois. Je serais bien tenté de suivre encore M. Hansteen, mais décidément ce serait s’éloigner beaucoup trop de la Sibérie ; laissons-le donc continuer sa route d’Astrakhan à Moscou, de Moscou à Saint-Pétersbourg ; laissons-le, quoi qu’il en coûte de se séparer d’un tel guide, laissons-le peindre avec son observation précise et sa grâce affectueuse maintes figures de l’aristocratie moscovite, maints personnages du monde officiel et de la cour ; laissons-le se présenter à l’audience du tsar Nicolas et de la tsarine Alexandra, et, après avoir séjourné avec M. Hansteen chez les brillantes races nomades de la Sibérie inférieure, allons visiter avec M. Castrén les sauvages de la Sibérie du nord. Seulement, puisque j’ai raconté la mauvaise réception faite à M. Hansteen deux années auparavant par M. le comte Cancrin, je dois dire que le célèbre ministre mit l’empressement le plus honorable à réparer ses torts. Il