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de ses bois en ajoutant à ceux de France ceux d’Algérie, et il ne faut pas se lasser de le redire, ce n’est pas seulement pour le revenu que la culture forestière est nécessaire en Afrique, mais pour transformer le climat en défendant le sol contre les vents desséchans et les ardeurs dévorantes du soleil, pour fournir des sources à l’irrigation et des abris aux céréales, pour purifier l’air que respirent les animaux et les hommes, en un mot pour rendre accessibles à la culture et à la population d’immenses espaces.

Les autres colonies françaises ont envoyé quelques échantillons de leurs forêts. L’île Bourbon se distingue par un très beau bois d’ébénisterie nommé bois de natte ; la Martinique, la Guadeloupe, l’Inde française, le Sénégal, possèdent aussi de riches essences. Des résines, des gommes, des fibres textiles, des substances médicinales, des huiles de palme, des cocons de vers à soie sauvages, montrent qu’une active industrie y trouverait matière à se développer. Malheureusement il ne paraît pas que l’attention de nos colons se porte beaucoup de ce côté. Nos nouveaux établissemens sur la côte occidentale d’Afrique, notre belle possession de Taïti, commencent à donner signe de vie. Là aussi se présentent des produits neufs et curieux, qui ne demandent qu’à s’étendre. L’exemple des colonies anglaises ne peut qu’exciter l’émulation des nôtres. On dit qu’une exposition permanente de leurs produits va être organisée par le ministère de la marine. Il faut espérer que nous y trouverons des preuves plus marquées d’une agitation féconde, et que la Guyane en particulier voudra se montrer à la hauteur de sa sœur anglaise pour la mise en valeur de ses richesses forestières.

M. Millet, qui s’occupe avec succès de pisciculture, avait exposé quelques-uns de ses appareils. Voilà encore une grande tâche qui revient de droit à l’administration des forêts, dont M. Miller fait partie, le repeuplement de nos cours d’eau ; elle en possède presque toujours les sources et peut aisément verser dans les eaux naissantes la semence animée qui doit descendre et grandir avec elles. J’aurais voulu voir en même temps la trace de quelques soins donnés, comme en Angleterre et en Allemagne, à la reproduction des meilleures espèces de gibier. Les forestiers français n’aiment pas beaucoup à s’occuper de ce sujet ; ils ont tort. De ce qu’on a quelquefois abusé du gibier, il ne s’ensuit pas qu’il soit à proscrire ; ce n’est pas sans raison que le programme de l’exposition avait réuni la chasse et la pêche à l’art forestier proprement dit. Virgile a depuis longtemps qualifié les forêts d’étables naturelles du bétail sauvage : stabula alta ferarum.


LEONCE DE LAVERGNE.