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hautes dureraient non des jours, mais des mois et des années, si l’on ne cherchait les moyens d’en limiter les progrès. Dans les mines de houille en combustion, on engloutit des fleuves ; mais ici l’usage de l’eau, qu’on n’a pas d’ailleurs toujours sous la main, serait une défense médiocre. Le seul moyen d’arrêter la marche du fléau, c’est de remuer et de bouleverser avec la bêche la terre circonvoisine. On emprisonne de la sorte l’incendie dans un cercle où il faut qu’il s’épuise sur lui-même. L’histoire nous a conservé plusieurs exemples de tourbières incendiées. Dans la Frise, non loin du Zuiderzée, on montre un lac assez profond qu’on appelle Jonker-Meer. La tradition veut que, dans les temps anciens, ce lac ait été une tourbière haute. L’incurie d’un ouvrier qui se chauffait provoqua un incendie si violent, que tous les efforts furent inutiles pour l’étouffer. La matière tourbeuse fut entièrement consumée, et les eaux se rassemblèrent peu à peu dans la place qui était restée vide. Avec le temps, un lac se forma où paissaient autrefois les brebis. De tels accidens n’ont pas toujours été l’effet de la négligence. En 1593, les Espagnols avaient construit près de Schoonebeek une chaussée pour traverser des marais. Les Hollandais cherchèrent à leur couper le passage en jetant sur la route des arbres qu’ils avaient extraits du fond des tourbières. Ils rassemblèrent ces arbres en un tas et y mirent le feu. Comme l’air était sec, la flamme pénétra jusque dans la terre, qui était riche en matière combustible. L’incendie réduisit toute la tourbe en cendre : il se creusa des gouffres, des ravins, et la route devint impraticable pour l’armée ennemie. Cette défense toute nouvelle fit sans doute naître l’idée infernale qu’on attribue à l’un des agens de Philippe II. Ayant entendu dire que la terre des Pays-Bas brûlait, il résolut de détruire par le feu cette contrée insoumise. Il n’abandonna son projet que quand il sut qu’une partie de cette terre inflammable était cachée sous l’eau, et que l’autre (celle des hautes tourbières ; pouvait être défendue contre l’incendie par le travail de la bêche.

On vient de voir extraire la tourbe dans les tourbières hautes ; il faut maintenant étudier un autre système d’exploitation, celui des tourbières basses, lage veenen. Là, c’est sous l’eau que la main de l’homme va saisir la matière terreuse qui doit lui servir de combustible.

Dans la Sud-Hollande, à quelques lieues de La Haye, est le village de Wateringen. Des jardins entrecoupés de petits canaux, des ponts de bois qui joignent des sentiers recouverts d’un sable fin, des cultures distribuées avec art, des maisons que les arbres à fruit serrent et entrelacent comme un vêtement, une jolie école, deux églises, l’une catholique, l’autre réformée, un moulin tout fier de ses grandes ailes et de son axe doré, tout cela forme ce que les Anglais