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Ammon. Cette oasis relève de l’Égypte. La Cyrénaïque finit vers l’est à Bomba. De là en Égypte il y a encore cent cinquante lieues de côtes. Ce pays, qui forme l’antique Marmarique, est une zone d’une épaisseur d’une quinzaine de lieues, d’un terrain maigre, pauvre, mais encore susceptible de culture, au sud duquel règnent les sables du désert. Cette zone est habitée à l’est par la grande tribu des Oulad-Ali, qui sont censés dépendre du pacha d’Égypte, et à l’ouest par celle un peu moins considérable des Haribi, que le pacha de Tripoli prétend avoir dans son gouvernement. En fait, ces deux tribus n’obéissent à personne, et rendent assez dangereux le voyage par terre d’Alexandrie à Derna.

Si de Bengazi on tire à l’ouest une ligne idéale à travers la mer, on atteindra ainsi Mezurate, localité habitée du groupe de Tripoli. Ces deux points se trouvent à quatre-vingt lieues marines de distance en face l’un de l’autre, à l’entrée du golfe de la Grande-Syrte, qui pénètre dans le continent africain jusqu’à quarante lieues au sud de la ligne que je viens de supposer. Tout le littoral de Bengazi à Mezurate n’est guère qu’un désert dont la profonde solitude garantit la sûreté du voyageur qui veut parcourir ce pays désolé; mais on comprend qu’il faut tout porter avec soi, si ce n’est l’eau, qui n’y est pas trop rare. Dans ces derniers temps, les Turcs ont bâti un château au fond du golfe, près d’un mouillage qui paraît offrir quelque sécurité aux petits navires du pays. Il y a non loin de là des mines de soufre.

La grande et la petite Syrte sont des parages maritimes dont les anciens se sont beaucoup préoccupés, non seulement les géographes, mais encore les poètes:

Syrtes, vel, primam mundo natura figuram
Quum daret, in dubio pelagi terræque reliquit...


a dit Lucain. Ce sol, qui n’est ni terre ni eau, est bien celui qu’offre encore sur plusieurs points le littoral des deux Syrtes; mais il devait paraître manquer de fixité aux anciens plus qu’à nous, à cause des effets de la marée, qui y est très forte, et à laquelle ils n’étaient pas habitués. La marée est, on le sait, à peu près insensible dans la Méditerranée: mais dans les deux Syrtes elle est presque aussi marquée que dans l’Océan. Elle se fait moins sentir sur la côte qui s’étend de l’une à l’autre[1], et qui est celle de Tripoli; cependant je l’ai vue s’élever encore très haut à l’entrée du lac des Bibans, aux confins de la régence de Tunis et de celle de Tripoli.

Au sud de Mezurate commence une chaîne de montagnes qui

  1. La Petite-Syrte est le golfe actuel de Gabès dans la partie méridionale de la régence de Tunis.