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développée devant lui. voyez ce qui nous conviendrait si bien... — Je vois, lui répondis-je, la Suède arrondie de toutes parts, excepté du côté de la Norvège. Est-ce donc de La Norvège que votre altesse veut parler? — Eh bien! oui, c’est de la Norvège de la Norvège qui veut se donner à nous et qui nous tend les bras. Nous pourrions, je vous en préviens, l’obtenir d’une autre puissance que la France... — Peut-être de l’Angleterre?— Eh bien! oui, de l’Angleterre; mais, quant à moi, je proteste que je ne veux la tenir que de l’empereur. Que sa majesté nous la donne, que la nation puisse croire que j’ai obtenu pour elle cette marque de protection, alors je deviens fort et je fais dans le système du gouvernement suédois les changemens qu’il faut nécessairement y opérer; je commanderai sous le nom du roi et je serai aux ordres de l’empereur. Je lui promets cinquante mille hommes parfaitement équipés à la fin de mai et dix mille de plus au commencement de juillet; je les porterai partout où il voudra, j’exécuterai tous les mouvemens qu’il ordonnera. Voyez cette pointe occidentale de la Norvège, elle n’est séparée de l’Angleterre que par une navigation de vingt-quatre heures, avec un vent qui ne varie presque jamais... J’irai là s’il le veut!... L’empereur est assez puissant pour dédommager le Danemark; ne peut-il pas lui donner à l’instant même le Mecklenbourg et la Poméranie ? Quant à la dette de la Hollande et de Gènes, assise sur cette dernière possession, nous la transporterons sur la Norvège, et nous la solderons en bois, en fer et en autres productions que nous porterons à Lubeck. Si je ne suis plus gêné par le conseil d’état, si la constitution qui anéantit l’autorité du roi, et dont on m’écrit que l’empereur se rit si justement aux Tuileries, est modifiée, si je deviens le maître enfin, alors je jure sur mon honneur de fermer le royaume au commerce anglais, et je commencerai par chasser tous ces aventuriers de Gothenbourg. Dites à l’empereur que je n’oublierai jamais qu’il a été mon souverain et mon bienfaiteur, que je ne me regarde ici que comme une émanation de sa puissance, et que mon vœu le plus ardent est de mettre à sa disposition toutes les ressources de la Suède, plus importantes qu’on ne le pense à Paris. À ces offres, dont je vous prie d’informer l’empereur, je ne mets que deux restrictions : la première, que les troupes suédoises ne seront jamais portées au-delà du Rhin; la seconde, que je les commanderai toujours en personne, parce que je ne veux pas qu’un autre, après avoir obtenu des succès et de la gloire dans une guerre dirigée par l’empereur, puisse, en revenant en Suède a ver des troupes victorieuses, s’y trouver aussi fort que moi. »


M. Alquier ajoute en terminant sa dépêche : « Si sa majesté impériale compte la Suède pour quelque chose dans sa politique, si elle veut placer cette puissance dans son vaste système, le moment est favorable pour la décider. » Et M. Alquier n’est pas le seul à ajouter loi aux dispositions favorables de Bernadotte envers la France. Le ministre de Prusse, M. de Tarrach[1], partage aussi cette double conviction que le prince veut absolument rester fidèle à Napoléon, et que celui-ci ne jugera pas à propos de négliger une telle alliance.

  1. Dépêche chiffrée du 19 mars.