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toutes les incertitudes des documens administratifs. Il y a dix ans, les états officiels portaient à 406,377,455 francs la valeur des soieries annuellement fabriquées. Aujourd’hui on est fondé à l’élever à un demi-milliard, et à 160,000 le nombre des métiers en exercice. En 1853, l’exportation des tissus de soie a atteint le chiffre de 376 millions, ce qui représente le double à peu près de la valeur des autres tissus vendus au dehors. Ce chiffre est descendu en 1854 à 311 millions, à la suite de la crise américaine. Les tissus de soie reçoivent des destinations diverses; ils vont aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, dans les mers du sud, en Russie, en Belgique, dans les Pays-Bas, en Suisse et dans le Levant. C’est Lyon qui en fournit le principal contingent, et après Lyon, Saint-Étienne, son brillant satellite. Si Lyon a les étoffes, Saint-Etienne a les rubans et y est inimitable. Pour cette seule ville, la production s’élève à 80 millions, dont 50 au moins sont exportés.

L’histoire de l’industrie des soieries nous met à même de mieux apprécier le rôle qu’elle joue et la place qu’elle tient dans le concours actuel. J’ai dit quelles sont les forces respectives des états producteurs, comment elles se sont développées ou amoindries, à quelles causes on peut attribuer leur accroissement ou leur déclin : je vais maintenant examiner les choses comme elles se présentent dans les galeries du palais, en commençant par les expositions de moindre importance.

L’Inde anglaise n’a que deux représentans; il est vrai que le rang et la richesse compensent ce qui manque du côté du nombre. L’un est le roi de Burma, qui nous offre les échantillons variés des étoffes sorties de ses manufactures. C’est déroger; mais l’Asie est sans préjugés, et le commerce s’y trouve en bonnes mains, témoin le second exposant, la compagnie des Indes, qui est de beaucoup au-dessus des rois indiens, puisque c’est elle qui les fait et les défait, avec aussi peu de gêne que de respect. La compagnie des Indes apporte à toutes les expositions une bonne grâce qui n’a d’égale que sa magnificence. Elle n’a pourtant ni médailles à attendre, ni rubans à espérer; elle en donnerait plutôt. Elle ne court pas non plus après la clientèle; la sienne comprend cent vingt millions de sujets médiats ou immédiats que la couronne anglaise lui a livrés corps et âme, et s’étend à tous les marchés de l’univers en raison des privilèges exclusifs dont elle jouit. Il faut savoir gré à la compagnie des Indes de rester affable dans la puissance et modérée dans la grandeur. Elle a bien voulu traiter la France en alliée et recommencer pour elle, non sans dommages ni frais, l’exhibition qui avait étonné et charmé l’Angleterre. Nous avons donc revu, à côté des gracieuses frivolités de l’art hindou, cette collection de tissus de soie qui est un