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hasard, qui n’ont ni durée, ni certitude, ni continuité, l’accomplissement d’une œuvre qui demande du temps, de la suite, de la constance, et pour se fier à des hypothèses lorsqu’il existe des assurances de succès?

Non-seulement la dynastie piémontaise représente plus qu’aucune autre la nationalité italienne, non-seulement le gouvernement piémontais réunit seul les élémens de force nécessaire au triomphe de cette nationalité, mais dynastie et gouvernement représentent encore les idées modernes au moyen desquelles doit s’accomplir la régénération de l’Italie. Leurs idées sont celles de la France et de l’Angleterre avec lesquelles le Piémont combat et dont il est l’allié. Aucun parti italien, si enthousiaste soit-il, ne pourra jamais servir ces idées avec autant de succès que le Piémont. L’influence d’un gouvernement est plus lente sur l’opinion populaire, il est vrai, que celle d’un parti, mais elle est plus sûre. Un parti a toujours besoin de triompher, il a toujours besoin de ces grands et bruyans incidens de combat, de victoire, de lutte, qui ne sont et ne doivent être que de rares incidens dans la vie nationale des peuples. Ses idées n’ont de force qu’autant qu’elles se montrent au dehors, et pour cela il lui faut des efforts désespérés qui troublent la vie générale, font quelques enthousiastes, beaucoup plus de mécontens, fatiguent les esprits et les âmes, laissent la conscience troublée et la vérité des idées contestée, puis en fin de compte engendrent le scepticisme et l’indifférence. Pour un gouvernement, il n’a pas besoin de tant de tapage. Lorsqu’il est une fois reconnu qu’il représente certaines idées, il peut rester immobile et laisser ces idées faire leur rayonnement. Un parti peut être toujours nié, un gouvernement ne peut jamais l’être. A ceux qui lui demandent des preuves de la vérité de ses idées, il se montre lui-même pour exemple, et renouvelle ainsi l’argument de cet ancien qui se mit à marcher pour prouver le mouvement. Le gouvernement piémontais doit donc être regardé comme le vrai et le seul représentant des idées libérales en Italie, et c’est lui seul qui les représente aux yeux de l’Europe. Quelques Italiens égarés par un trop célèbre hiérophante pourront le nier, mais les ministres de l’empereur François-Joseph ne s’y trompent pas. En vérité, les Italiens, s’il en est encore qui soient hostiles au Piémont, devraient bien ouvrir les yeux en voyant la malveillance systématique dont ce petit royaume est l’objet: — cette malveillance est très raisonnable et on ne peut plus clairvoyante. Il est aisé en effet de se débarrasser de tout le parti mazzinien. Pour cela, quelques coups de fusil suffisent et quelques procès sommaires contre lesquels personne ne réclamera, parce que personne n’aura le droit de réclamer; mais il est plus difficile de se débarrasser d’un royaume qui