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médecin italien endosse la casaque du galérien et va ramer sur les galères de sa majesté Ferdinand II. Les détails que donne M. Ruffini sur les affaires de 1848 et les procès qui en furent la suite sont assez nombreux, mais n’apprennent rien de bien nouveau après les lettres de M. Gladstone, et d’ailleurs le cœur nous manquerait pour soulever ces tristes incidens, qui sont encore si près de nous, et dont on ne peut parler avec calme et peut-être avec justice. Pourtant, puisque nous rencontrons sur notre chemin le gouvernement napolitain, disons en passant qu’on ne lui rend pas, à notre avis, la justice qu’il mérite. Le gouvernement napolitain est bien un gouvernement italien ; oui, vraiment il est après le Piémont le plus italien des gouvernemens de la péninsule. Tandis que le Piémont représente les aspirations nouvelles de l’Italie, l’idée de réforme et de nationalité italienne, l’entrée de l’Italie dans l’alliance de l’Europe moderne, et en un mot tout ce qu’il y a d’excellent dans la pensée et dans le présent de l’Italie, Naples semble prendre plaisir à représenter tout ce qu’il y a de fâcheux dans le caractère du peuple de la péninsule et de triste dans son passé : là nous avons la superstition italienne, les puérilités italiennes, le lazzaronisme et le vice fatal qui a perdu ce noble pays, — l’amour de l’étranger et l’appel incessant au barbare. Ainsi donc il existe en Italie deux gouvernemens réellement nationaux : c’est aux Italiens à faire leur choix; qu’ils choisissent bien, car ils ne peuvent avoir que l’un des deux.

Comme les événemens marchent vite à l’heure où nous sommes arrivés! Il y a un an, tout dormait tranquillement en Italie, ou plutôt tout couvait sous la lave refroidie de 1848, et maintenant nous attendons impatiemment des nouvelles de chaque courrier qui arrive de Turin et de chaque paquebot qui touche à Marseille. Et quelle différence aussi entre la situation de 18’8 et celle d’aujourd’hui ! En 1848, l’Italie était seule, livrée à toutes les violences révolutionnaires, sans gouvernemens réguliers, sans alliances. Le Piémont était abattu, et son souverain allait mourir sur un sol étranger après une abdication volontaire. Il n’y avait plus de force italienne nulle part. L’Italie a grandi dans la défaite; le Piémont est remonté à son rang et occupe une place plus glorieuse que celle qu’il occupa jamais, et les gouvernemens despotiques raffermis luttent en vain pour conserver un pouvoir qu’ils n’ont plus la force d’exercer. Renversés, ils se présentaient aux yeux de l’Europe comme un élément d’ordre; relevés, ils se présentent comme un élément de désordre et d’anarchie. Cependant il y a eu un fait plus considérable que tous ceux-là : c’est que l’Europe a compris, comme elle ne l’avait jamais compris auparavant, la solidarité qui l’unit à l’Italie; c’est qu’elle a senti que l’état de l’Italie était réellement insupportable et qu’il devait être