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sont à peu près de l’âge du siècle. Là aussi l’enthousiasme du vrai beau trouvait sa place ; il soutenait le courage et donnait au travail un charme impérieux. Les plus sévères esprits, les plus fermes raisons, que l’expérience de la vie n’avait pas encore attristes, remplis encore de cette confiance sans laquelle rien ne se fait de grand, accueillaient, animaient alors les aspirations d’une jeunesse fanatique de l’avenir. Nous avions la sagesse même pour complice de nos espérances. Tout cela est fini, et ne renaîtra pas, au moins sous la même forme. On ne retrouvera point, de longtemps du moins, ces convictions entreprenantes qui se passaient de tout intérêt pour naître et de tout calcul pour agir. Un ciel sans nuage brillait pour ainsi dire sur notre âme. Nous avions la foi des idées. Ce temps est loin.

Si cependant M. G. Guizot ne le trouve pas si éloigné, certes je ne le chicanerai point, et je lui saurai gré de cette confiance dans l’avenir et dans la vérité, sentiment dont je dirais volontiers ce qu’Horace dit d’un autre :

Parum comis sine tu juventus.

Mais en attendant parlons de Ménandre et de la comédie d’Athènes ; c’est une charmante et digne manière de gagner du temps.

Après ce qu’on a pu lire dans ce recueil, il ne reste à dire sur Ménandre rien de neuf ni d’important. On sait à merveille que les anciens critiques ont avec beaucoup de justesse distingué trois écoles ou plutôt trois âges de la comédie. L’ancienne était née de la liberté athénienne. C’était une comédie de circonstance, et il n’y avait alors de circonstances que sur la place publique. La vie privée était beaucoup plus littéralement murée qu’elle ne le sera jamais, même pour la loi, chez les modernes, et la politique, dans une étroite société de vingt mille personnes, avait quelque chose de puéril et de bavard comme une querelle de village et un caquet de petite ville ; mais ce village était au pied de l’Acropole, cette petite ville était celle de Minerve ; ce caquet s’élevait à la dernière éloquence, et cette querelle était celle de l’Occident et de l’Orient, la querelle pour laquelle périssaient Thémistocle et Alexandre. Quoi qu’il en soit, les passions, les travers, les ridicules du peuple libre faisaient les frais de la comédie, et par elle se vengeaient ou se défendaient les partis. La comédie, c’était le pamphlet dialogué, le journal en scène ; mais pour le rendre scénique en effet, pour amuser et pour plaire, à mesure que le peuple devint plus intelligent et plus fin, l’imagination transforma des parodies grossières en allégories satiriques, et, mêlant la