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passait des années à refouiller son œuvre avec un soin infini et à lui imprimer le caractère d’originalité que nous admirons dans les monumens antiques, ce travail n’est plus possible. Quand bien même le temps et l’argent ne feraient pas défaut, on ne trouverait plus maintenant d’hommes formés à ce labeur si long, si pénible et si délicat. En outre, dans les temps anciens et pendant les beaux siècles de la renaissance, les artistes dirigeaient eux-mêmes la fonte de leurs statues ; ils avaient une connaissance profonde de tous les secrets de cette industrie, qu’ils considéraient comme le complément de leur art. « Un habile sculpteur, dit Cellini, doit être assez initié à l’art de la fonte pour n’être point obligé de se mettre entre les mains des fondeurs ; il faut qu’il sache lui-même prévoir les difficultés et y remédier[1]. » Les artistes modernes n’en jugent plus ainsi : ils se contentent de donner leurs modèles, et ils abandonnent ensuite, à des mains trop souvent inintelligentes le soin de réparer leurs bronzes ; de là vient que le sentiment de leur œuvre se trouve si souvent altéré.

Toutefois de grands perfectionnemens matériels ont été apportés dans ces trente dernières années aux procédés de l’art des bronzes. D’abord on moule généralement en sable, ensuite on ne cherche plus à foudre d’un seul jet, sinon par simple curiosité et pour de petites pièces : au contraire, on fractionne la fonte le plus possible, afin d’avoir plus de perfection dans le moulage et plus d’homogénéité dans la matière. Le fondeur doit d’abord examiner, étudier dans ses moindres détails le modèle qu’on lui présente, le diviser par la pensée de la manière la plus convenable pour que le moulage le reproduise avec fidélité, intelligence et délicatesse, combiner toutes ses pièces de rapport, et examiner quelles seront les coupes les plus propres à faciliter la dépouille sans altérer la forme. C’est seulement après cette étude préliminaire qu’il se met à l’œuvre avec sécurité et qu’il peut compter sur le succès. Dans le choix du sable employé pour le moulage, il faut éviter la présence du calcaire, qui, par sa calcination, produirait au moment de la coulée un dégagement de gaz fâcheux. On évite également la présence de l’oxyde de fer, qui, sous l’influence du métal en fusion, formerait avec l’argile des composés nuisibles et de nature à entraîner dans le moule de graves altérations. Le sable généralement employé à Paris vient de Fontenay-aux-Roses : c’est une argile jaune, pure et suffisamment plastique pour prendre facilement l’empreinte du modèle. On la mélange avec du poussier de charbon, et on la broie en l’humectant légèrement. Pour les petits objets, le moulage s’exécute en coquilles, c’est-à-dire dans deux châssis en fonte repérés par trois points.

  1. Voyez les Mémoires de Benvenuto Cellini.