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Méduse, la statue équestre de Côme Ier, le Mercure et les beaux bronzes du musée egli Uffizi ? À cette époque, la renaissance italienne envahit la France, et l’art des bronzes florentins y jette de profondes racines. Benvenuto travaille pour François Ier et fond pour lui la Nymphe de Fontainebleau, actuellement au Louvre. Les bronzes français possèdent alors les hautes qualités qui signalent les œuvres de notre sculpture. Il faut rappeler surtout ceux de Germain Pilon, de Guillaume Dupré, de Ponce et de Barthélemy Prieur[1].

La décadence générale de l’art au XVIIe siècle exerça nécessairement une influence fâcheuse sur l’industrie des bronzes ; mais les procédés de fabrication se perfectionnèrent, et l’on vit alors une grande quantité de monumens qui étonnent plus par leur richesse et leurs dimensions qu’ils ne séduisent par leur vraie beauté. Les artistes, ne pouvant déjà plus charmer l’esprit par la seule puissance de la forme, cherchent à éblouir les yeux par la richesse de la matière. La chaire de Saint-Pierre et le maître-autel colossal de la basilique vaticane sont là pour appuyer cette opinion. Ces compositions, matériellement gigantesques, mais sans grandeur morale, montrent avec quelle rapidité fatale s’accomplit la décadence de l’art. Cependant, de même qu’à cette époque la France compte les deux plus grands peintres, — Poussin et Lesueur, — elle possède aussi les plus habiles fondeurs. Il suffit de citer les beaux bronzes des Keller dans les jardins de Versailles, le Remouleur du jardin des Tuileries, les statues équestres de Coysevox, de Girardon, de Simon Guillain et de Fr. Duquesnoy.

L’art dégénéré du XVIIIe siècle, à part de rares exceptions, ne demanda rien de sérieux à l’industrie des bronzes. Les procédés matériels eux-mêmes se perdirent à la fin de cette triste époque. Au commencement du XIXe siècle enfin, on ne put trouver un fondeur assez habile pour couler convenablement la colonne élevée à la gloire de nos armées victorieuses.

III.

« Dans toutes les inventions humaines, dit Winckelmann, on a commencé par le nécessaire, ensuite on a cherché le beau, et on a donné enfin dans le superflu et dans l’exagération. » Après avoir vu l’art du bronze se transformer successivement suivant ces tendances générales de l’esprit humain, il reste à examiner ce qu’il est aujourd’hui, et à le juger d’après les monumens qu’on a pu voir réunis à l’exposition universelle.

Les bronzes français occupaient dans l’exposition de 1855 une très

  1. Voir au Louvre la statue de René de Birague, celle d’Albert Pic, duc de Savoie, et les figures allégoriques du tombeau du connétable Anne de Montmorency.