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admirable. Mlle de La Fayette, c’est Mlle de La Vallière, mais Mlle de La Vallière qui n’a pas failli. Il est vrai que Louis XIII n’était ni aussi dangereux ni aussi pressant que Louis XIV. Une fois pourtant, vaincu par sa tendresse et par le besoin qu’il avait de la voir à toute heure, il la conjura de se laisser mettre à Versailles pour y être toute à lui ; cette parole effraya la vertu de la jeune fille et l’avertit du danger qu’elle courait. Louis XIII ne renouvela jamais la proposition qui lui était échappée, mais Mlle de La Fayette s’en souvint, et elle résolut de terminer une situation difficile à soutenir d’une façon digne du roi et d’elle-même : elle songea à entrer en religion. Cependant elle n’avait cessé d’exhorter le roi à se réconcilier avec la reine et à secouer le joug de Richelieu. Ainsi, quand tout le monde, depuis Mathieu Molé jusqu’à M. le Prince, fléchissait et tremblait devant l’impérieux cardinal, deux jeunes filles, sans fortune et placées presque sous sa main, lui résistèrent. En vain il essaya de gagner Mlle de La Fayette, il ne réussit pas mieux auprès d’elle qu’auprès de Mlle de Hautefort. Il eut recours alors à ses manœuvres accoutumées : il fomenta les scrupules des deux amans, et, après bien des luttes que Mme de Motteville a racontées, Mlle de La Fayette se retira au couvent des filles de Sainte-Marie de la rue Saint-Antoine. Le roi alla l’y voir pendant plusieurs mois. La noble religieuse lui parla à travers la grille du cloître avec plus de force encore et d’autorité que dans leurs anciennes entrevues ; elle ne put rien sur sa politique, mais elle l’adoucit un peu envers sa femme, et c’est un soir, en revenant du couvent des filles de Sainte-Marie, que, forcé par un orage de ne pas retourner à Saint-Maur, et de passer la nuit au Louvre où était la reine, Louis XIII donna Louis XIV à la France.

Mais, depuis la retraite de Mlle de La Fayette, et jusqu’au jour où la grossesse d’Anne d’Autriche parut et mit un terme ou du moins apporta quelque adoucissement à ses malheurs, les plus étranges événemens s’étaient accomplis : la reine avait été à deux doigts de sa perte, et n’avait été sauvée que par l’intrépide dévouement de sa jeune et fidèle amie Marie de Hautefort.

L’année 1637 est la plus triste et la plus douloureuse que la reine Anne ait eu à traverser. Jamais Louis XIII ne l’avait à ce point délaissée, et elle n’avait conservé autour d’elle qu’un très petit nombre de serviteurs et d’amis dont elle s’était fait une petite cour intime où encore l’œil vigilant du cardinal parvenait souvent à pénétrer. Au premier rang de ces rares courtisans de l’infortune était La Rochefoucauld, tout jeune encore, et qui, plein des sentimens que son père lui avait inspirés contre Richelieu, en débutant dans le monde embrassa d’abord le parti des mécontens et la cause d’Anne d’Autriche. Lui-même a raconté quel agrément il trouvait alors à servir