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l’art de conserver en masse ces utiles poissons, ces alecas ou halecas dont les Romains n’avaient su tirer qu’un condiment analogue à nos sauces d’anchois, ou plutôt à celles de l’Angleterre.

Je n’ai pas encore fini avec la vitalité du Nord, je n’ai pas nommé les morses et les phoques qui vivent en abondance jusqu’au 80e parallèle sur les plages et les glaces du Spitzberg, et constituent des amphibies énormes et pleins d’énergie. Enfin c’est encore vers les deux pôles de la terre que les baleines et autres cétacés font leur principale résidence. Lacépède fait la remarque qu’on a vu des baleines de 100 mètres de long, et par suite, si l’on dressait un de ces cétacés contre les tours de Notre-Dame, qui ont plus de 60 mètres, il les dépasserait encore de 30 ou 40 mètres. Il est certains animaux qui croissent toute leur vie. Au reste, l’amiral Smyth, non moins excellent naturaliste qu’astronome distingué, met en doute qu’aucun être vivant dans l’eau meure de sa mort naturelle. Par leur frai, par leurs œufs, par leurs petits, par leurs adultes, par leurs individus en âge de maturité, les poissons semblent faits pour alimenter toutes les classes d’animaux, y compris même la leur. Dans les romans de chevalerie de nos pères, on peut définir un géant un être fait pour être tué par un chevalier errant ; dans la nature, on peut définir un poisson « un animal destiné à être dévoré par un autre animal. » Souvent sur les bords de l’Océan, sur des points peu fréquentés, j’ai observé avec étonnement à l’approche de la tempête les oiseaux du rivage, agités d’une espèce d’activité fiévreuse, courir çà et là en appelant évidemment l’agitation des flots, non pas, comme le dit Virgile, dans le désir de se baigner,

Et studio incassùm videas gestire lavandi,


désir que rien ne les empêche de satisfaire, mais bien dans l’espoir impatient de voir les lames qui accostent le rivage leur jeter une proie assurée. C’est un pronostic de tempête des plus sûrs que cette agitation des oiseaux de rivage qui se précipitent vers la mer quand les flots vont être soulevés par le vent ou même par la marée ordinaire.

Si nous suivons le soleil dans sa marche rétrograde vers le sud, nous voyons la chaleur de la saison baisser avec la hauteur du soleil à midi, les jours de douze heures reparaître, puis l’automne finissant avec des jours de huit heures et des nuits de seize heures, et enfin l’hiver, dont les jours sont de même grandeur que ceux d’automne, mais qui, succédant à une saison froide, est pour cette raison encore plus froid que l’automne, de même que l’été, dont les jours sont semblables à ceux du printemps, est bien plus chaud que celui-ci, parce qu’il verse ses rayons sur une terre déjà échauffée.

Je ne partage point l’heureuse disposition d’esprit de ceux qui ont le bonheur ou, si l’on veut, la passion de l’admiration dans la nature. S’ils trouvent merveilleux que la subsistance de certains oiseaux ait été assurée aux dépens des poissons, ils devraient blâmer la partialité qui a désigné ceux-ci comme victimes obligées des premiers. À cela on répond qu’autrement les poissons seraient en trop grand nombre. D’accord ; mais, quoi qu’il en soit de ces spéculations métaphysiques, je remarquerai dans la production des saisons et des climats planétaires combien est simple le mécanisme par