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documens recueillis par la commission centrale de statistique de Bruxelles, vient de faire un bon livre qui a précisément pour titre : Budgets économiques des classes ouvrières en Belgique, et il n’a nullement la prétention d’être le premier. M. de Gasparin, dans son Cours d’agriculture, publié en 1847, présente le tableau des recettes et des dépenses d’un ménage de cultivateurs français. Vingt ans auparavant, Sismondi avait fait le même travail pour les cultivateurs toscans. Les économistes anglais sont pleins de semblables recherches. On peut dire que c’est l’objet constant et pour ainsi dire l’élément banal de toute étude économique un peu sérieuse. Ce qui serait nouveau serait la suppression des statistiques générales, mais je ne crois pas qu’il soit nécessaire, pour y voir plus clair, d’éteindre un flambeau quand on cherche à en allumer un autre.

Passons donc à l’examen des renseignemens nouveaux qu’a rassemblés M. Le Play. Cet examen nous a donné quelque peine. Le livre est admirablement imprimé, mais du format le plus incommode. Quand on s’occupe de ce genre d’études, on est habitué à manier de grands volumes, à parcourir de gigantesques tableaux, mais cette fois c’est vraiment trop. Puisque l’occasion s’en offre, je ne suis pas fâché de signaler en passant cette mauvaise habitude, dont se plaignent tous les faiseurs de recherches, et qui ne contribue pas peu à éloigner le public de ces sortes de documens. Les blue-books anglais n’ont pas cette exagération typographique, et ce sont certainement les mieux conçus. À l’incommodité du format vient se joindre un autre genre de difficulté, qui tient à la composition. Chaque tableau est comme hérissé de renvois ; il faut à tout moment recourir à la clé pour se retrouver au milieu des chiffres romains, des chiffres arabes, des lettres majuscules et minuscules, qui renvoient tantôt à une note, tantôt à une page, tantôt à un paragraphe. J’ai peine à croire que ce luxe d’annotations fût inévitable.

Quand on a triomphé de ces dragons, qui, comme dans les contes de fées, gardent l’entrée du temple, on n’est pas au bout. Chaque description prise à part a assurément son intérêt ; mais si l’on veut les comparer entre elles, on s’aperçoit que leur uniformité n’est qu’apparente, et qu’elles n’ont au fond rien de commun. C’est ici que le système exclusif des monographies fait voir ses côtés faibles ; on aimerait à trouver l’auteur plus familier avec les procédés les plus élémentaires des statisticiens de profession, qui savent rendre les comparaisons plus faciles en ramenant à un type commun les élémens les plus divergens, et épargnent ainsi à leurs lecteurs des peines infinies.

Je prends pour exemple les deux premières monographies, dont l’une s’applique à une famille de Baschkirs à demi nomades du versant asiatique de l’Oural, et l’autre à des paysans agriculteurs des