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eux que nous intervenons d’abord, afin de découvrir où est la solution, qui ne peut être indifféremment d’un côté et de l’autre, puisque des types si divers ne comportent pas d’accommodement. Le résultat de cet examen, c’est l’exclusion de l’un des systèmes et des projets qui s’y rapportent. L’autre système étant adopté, le concours s’ouvre entre toutes les réalisations proposables du type unique. Notre méthode pour trouver le tracé normal est donc de commencer par choisir entre les systèmes, puis d’opter entre les divers projets afférens au système choisi.

Il va de soi que les deux systèmes ont de commun ce qui constitue les bases d’un canal de grande navigation marchande. La largeur est de 100 mètres à la ligne d’eau, de 50 mètres au plafond, le tirant d’eau de 8 mètres ; la longueur varie selon le tracé. Il ne pouvait y avoir de différend sur la fixation à Suez de la passe en Mer-Rouge. Quant au point de la passe dans la Méditerranée, c’est la que les deux systèmes se tranchent, et de cette divergence procèdent la plupart de leurs conséquences caractéristiques.

Un autre sujet de désaccord, c’est l’estimation des dépenses, chacun s’attribuant le bon marché. Pour notre part, nous n’avons pas pensé que la question du tracé fût nécessairement dans le chiffre inférieur, et que le devis modeste fût le gage de la solution vraie. Nous sommes sûrs que la voie du plus grand commerce du monde sera assez productive pour permettre l’immobilisation du capital correspondant à l’établissement le meilleur. En cela, nous nous en référons au travail de M. J.-J. Baude[1], qui a éclairé cet aspect de l’affaire de Suez non moins heureusement que les autres. Dès lors nous avons comparé les devis, uniquement afin de montrer le rapport de ce que vaut un projet et de ce qu’il coûte. Nous nous sommes préoccupés du bon canal, et non du canal au rabais. Le bon canal n’embarrassera jamais le génie financier de notre époque.

I — Système du tracé direct — Projet du canal de Suez à Peluse

Ce système pourrait aussi se nommer le système du percement de l’isthme. Imaginé plus d’une fois dans le cours des âges, il n’a acquis de consistance que depuis le commencement du siècle, grâce à l’un des ingénieurs éminens de l’expédition d’Égypte, M. Lepère, qui signala formellement le tracé de Suez à Peluse. Selon ses vues personnelles, la jonction des deux mers devait s’effectuer par un canal à petite navigation entre la Mer-Rouge et le Delta, s’alimentant du Nil, aboutissant à Alexandrie ; néanmoins, frappé de cette ligne de

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1855.