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courut aux armes. Une troupe nombreuse se jette d’abord sur la Bavière, dont la frontière était faiblement gardée ; les avant-postes sont surpris, et le comte Gérold, accouru sur les lieux avec une poignée d’hommes, est enveloppé et tué. Gérold, comte et gouverneur de cette province au nom du roi, n’était pas moins éminent par sa piété et sa bravoure que par son rang, car il était frère de la reine Hildegarde, celle de toutes ses épouses que Charlemagne avait le plus aimée. Tombé sous la main de ces Huns plus que païens, puisqu’ils étaient apostats, Gérold fut considéré comme un martyr, et son corps, enlevé du champ de bataille par des soldats saxons, fut conduit à l’abbaye de Richenaw, dont il était un des fondateurs. On l’y enterra en grande pompe, et la pierre tumulaire qui le recouvrit reçut l’inscription suivante composée en vers latins : « Mort en Pannonie pour la vraie paix de l’église, il tomba sous le tranchant de l’épée cruelle, aux calendes de septembre. Gérold a rendu son âme au ciel ; le fidèle Saxon a recueilli ses membres et les a apportés ici, où ils ont été enfermés avec tous les honneurs qu’ils méritaient. »

Ce fut un événement deux fois douloureux pour Charlemagne, et parce qu’il aimait tendrement Gérold, et parce qu’un premier échec, enhardissant à la fois les Huns et les Grecs, pouvait ébranler sa puissance en Hunnie. Il en reçut la nouvelle au camp de Paderborn en 799, peu de temps après la visite que lui fit l’infortuné pape Léon III, qu’une faction romaine avait emprisonné dans un monastère après avoir tenté de lui crever les yeux, et qui, échappé à ses bourreaux, s’était enfui auprès du roi des Franks. Charles ordonna de rassembler des troupes en Bavière, et lui-même se rendit à Ratisbonne pour surveiller de là les opérations de la guerre. Elle fut terrible et se prolongea à travers des phases diverses jusqu’en l’année 803 ; mais les contemporains ne nous la font connaître que par cette mention, assez significative d’ailleurs dans son laconisme : « Tudun et les Avars portèrent la peine de leur perfidie. » En 803, Tudun avait disparu, et le kha-kan Zodan, son successeur, venait mettre aux pieds du souverain des Franks lui, ses sujets et son pays, La conquête maintenant était définitive ; Charlemagne s’empressa d’en organiser l’administration. Nous lisons dans les vieux actes qu’il institua cinq comtes de la frontière pannonienne, Gontram, Werenhar ou Bérenger, Albric, Gotefrid et un autre Gérold, et qu’il plaça la Hunnie sous la juridiction ecclésiastique de l’évêque de Salzbourg. Un capitulaire de l’année 804, relatif au commerce d’exportation, applique à la Hunnie certaines mesures prises pour la partie nord-est de l’empire. Il est probable que Zodan, pour se rendre acceptable aux Franks, avait suivi le même procédé que Tudun et s’était fait chrétien ; au moins ses successeurs le furent. Le kha-kan qui régna en 805 portait le nom chrétien de Théodore, et fut remplacé par un