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même nature, et il a eu aussi sa concession. Ce n’est pas tout ; les banquiers espagnols n’ont pas voulu laisser le champ libre aux étrangers ; MM. Collado, Sevillano, bien d’autres encore, ont fondé également une société dont l’existence a été consacrée par les cortès. Enfin des négocians et des capitalistes catalans ont à leur tour formé pour le même objet une association flnancière, dont l’action restera circonscrite, il est vrai, dans la principauté de Catalogne. Tout compte fait, voilà donc quatre sociétés qui s’offrent à inonder l’Espagne d’argent ou peut-être de papier. Cette intervention des capitaux étrangers, cette multiplication des moyens de crédit ne pourraient évidemment qu’être utiles à la Péninsule ; mais n’est-il pas à craindre que tout ce mouvement ne soit plus apparent que réel, et qu’il ne soit très disproportionné avec l’état vrai des affaires ? Qu’on songe bien que le crédit est chose récente en Espagne : le seul établissement de ce genre, la banque de Saint-Ferdinand, date de 1829. On essaya en 1844 de créer la banque d’Isabelle II, qui ne put vivre, et alla bientôt se fondre avec sa rivale et son aînée. La banque de Saint-Ferdinand, successivement réorganisée par M. Mon en 1849 et par M. Bravo Murillo en 1851, a donc seule fonctionné jusqu’ici, avec un capital social de 120 millions de réaux et avec la faculté de mettre en circulation pour une somme égale de billets. M. Domenech, durant son ministère en 1854, avait songé un moment à augmenter le chiffre de la somme émissible en billets, et dès cette époque il avait même reçu, dit-on, des propositions des fondateurs du crédit mobilier français. La révolution survenait, et la banque de Saint-Ferdinand est restée dans des conditions modestes, qui n’indiquent point à coup sûr un grand mouvement d’affaires. Qu’on se représente maintenant quatre sociétés nouvelles de crédit survenant avec un capital presque fabuleux pour l’Espagne, et, ce qui est plus grave, avec la faculté d’émettre du papier pour une somme décuple du capital de fondation. N’y a-t-il pas à craiiidre quelque perturbation dans un pays où le crédit est jusqu’ici peu entré dans les habitudes ? Il y a eu un exemple de ce genre après 1846, après la création de nombreuses sociétés anonymes ; il en est résulté deux années de crises durant lesquelles la place de Madrid eut à subir les plus rudes épreuves. L’Espagne est donc fondée à se prémunir, non certes contre la propagation du crédit, mais contre l’excès des entreprises de ce genre. Du reste, le premier élément de sa régénération financière, l’Espagne le trouvera toujours dans une bonne et intelligente politique, et sous ce rapport il reste malheureusement beaucoup à faire. Les mêmes luttes existent en effet dans toutes les régions ; seulement plus on avance, plus on aperçoit distinctement pour le général O’Donnell la nécessité d’adopter une politique dans laquelle l’Espagne puisse voir la garantie de sa sécurité et de ses intérêts.

ch. de mazade.