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de laine et de soie, que nous ne pourrions pas produire autrement. De même, s’il arrive un jour que l’importation du blé s’accroisse, c’est que le prix se sera élevé outre mesure, et que la production nationale, même doublée, sera devenue insuffisante, comme en Angleterre. L’erreur des producteurs est d’avoir cru que le libre-échange des produits pouvait jamais tourner contre la production. Les libres échangistes y ont aidé en parlant des consommateurs comme si les consommateurs n’étaient pas les producteurs sous une autre forme. La liberté ne combat que le monopole, qui est l’ennemi de la production.

Parlerai-je maintenant des choses dont l’agriculture a besoin ? Je ne crois pas que le prix du fer dût baisser immédiatement beaucoup par une révision sérieuse du tarif ; la demande de fer est trop générale dans le monde, pour qu’une pareille baisse soit possible. Il n’en est pas moins vrai qu’une plus grande introduction de fer étranger, même sans agir sur le prix, donnerait des facilités nouvelles à toutes les industries qui s’en servent, préparerait pour un prochain avenir la production des fers indigènes à meilleur marché, et dans tous les cas préviendrait une hausse nouvelle. Il faut du fer pour produire du fer ; la plupart des causes qui en élèvent le prix en France tiennent à des frais de transport. Que les chemins de fer se fassent plus vite, que la houille, le bois, le mimerait le fer lui-même, circulent à moins de frais, et ce métal si utile, si nécessaire, sortira avec moins de peine du sol qui le produit ; il se répandra plus aisément sur toute la surface du territoire. Ce qui importe à l’agriculture, c’est le prix du fer au détail chez le maréchal de campagne. Même quand ce prix baisserait, elle n’en consommerait pas d’abord beaucoup plus, parce qu’elle est pauvre et ignorante ; mais peu à peu elle apprendrait à s’en servir, et si jamais un plus grand usage entrait dans ses habitudes, elle finirait par en employer des quantités énormes, car il n’y a pas d’agriculture perfectionnée sans une grande consommation de fer ; dans les fermes les mieux conduites, il en faut jusqu’à 20 kilogrammes par hectare et par an, ou dix fois plus qu’on n’en emploie en moyenne aujourd’hui.

N’est-il pas étrange et regrettable que le guano soit plus cher en France que partout ailleurs ? L’Angleterre, la Belgique, l’Amérique du Nord, en emploient des quantités considérables ; il pénètre jusqu’en Saxe, au centre de l’Allemagne, et chez nous on n’en achète presque pas. Pourquoi ? Sans doute parce que la plupart des cultivateurs n’ont de quoi le payer à aucun prix, mais aussi parce qu’il est renchéri artificiellement par notre système de douane. Cette fois il n’y a pas de guano indigène à protéger, mais on veut protéger la navigation nationale, et on surcharge de droits tout ce qui arrive sous pavillon étranger : autre chimère dont on devrait bien