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chose. Quant au dey ou doulatli, comme il était aussi appelé, confiné dans de basses fonctions et révocable par le bey, qui le nomme comme tous les autres fonctionnaires, il n’est plus guère qu’une ombre qui n’a de réel que quelques coups de bâton qu’il donne et quelques piastres qu’il reçoit. Cependant telle est la force de l’habitude, que le bey continua assez longtemps à lui faire la première visite à la fête du beïram. La destruction de la milice turque fut le dernier coup porté à la domination de Constantinople dans la régence de Tunis, qui peut être considérée comme étant de fait aussi indépendante de la Porte que l’empire du Maroc lui-même. Néanmoins la suzeraineté du grand-seigneur y est reconnue en droit, mais plutôt sous le point de vue religieux que sous le point de vue politique.

Le gouvernement tunisien est maintenant le plus simple et le moins embarrassé de rouages qui se puisse voir. Il n’est question la ni de hatti-chérif de Gulhané ni de tanzimat. Le bey-pacha fait tout, ou du moins est censé tout faire. Les gouverneurs de province, — outhans, — correspondent directement avec lui. On peut même dire qu’il n’a pas de ministres. On voit bien cependant à sa cour quelques personnages que l’on pourrait prendre pour des ministres, tels que le sahab-taba où garde du sceau, l’aga ou chef des troupes, le krasnadar ou trésorier ; mais ces gens-là sont sans autorité réelle, puisque les fonctionnaires des administrations qu’ils semblent diriger sont en rapport direct avec le souverain. Dans un gouvernement ainsi organisé, il est clair que le personnage le plus réellement influent auprès du bey ne peut être que celui qui est chargé de sa correspondance, c’est-à-dire le premier secrétaire ou bach-kateb. Le premier drogman, qui est habituellement un chrétien et qui en cette qualité est l’intermédiaire entre le bey et les représentans des puissances européennes, exerce aussi nécessairement une influence considérable dans les affaires diplomatiques. Ce poste est occupé aujourd’hui par un Génois, M. Raffo, que l’on a souvent vu à Paris, où on l’a considéré a tort comme le ministre des affaires étrangères ou reis-effendi du bey de Tunis.

La petite cour de Tunis étale un faste qui n’est pas tout à fait en rapport avec la médiocrité de ses revenus. On y voit une foule d’officiers du palais et une multiplicité de domestiques inférieurs, dont les vêtemens, trop rarement renouvelés, montrent trop souvent autre chose que la corde. Les châteaux du bey sont nombreux, mais médiocrement entretenus. Le fameux pococurantisme reproché aux Italiens, et qui est aussi le péché des musulmans, s’y fait