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municipalité et de menacer les récalcitrans des conseils de guerre établis en permanence. En un mot, le général Zavala agit fort énergiquement, cela n’est point douteux, mais cela prouve en même temps la gravité du mal.

La première impression causée à Madrid par les événemens de Valence a été des plus vives dans les cortès comme au sein du gouvernement ; l’envoi du général Zavala l’indique assez, et le congrès s’est hâté de décerner un nouveau vote de confiance au ministère. Peut-être au surplus ces événemens ont-ils eu un bon résultat ; ils ont fait cesser, momentanément du moins, des divisions qui troublaient singulièrement les régions politiques et tendaient à devenir un péril pour l’Espagne. Divers groupes parlementaires s’étaient formés, comme on sait, sous prétexte de discipliner les partis. Si l’un de ces groupes inclinait visiblement vers le général O’Donnell, l’autre, celui des progressistes purs, se rattachait plus ardemment que jamais à Espartero. Madrid avait vu recommencer cet éternel travail pour faire surgir un pouvoir purement progressiste sous les auspices du duc de la Victoire. L’attitude du président du conseil lui-même était redevenue assez énigmatique ; les factieux qui se sont soulevés depuis quelque temps s’emparaient de son nom. Un voyage que le duc de la Victoire allait faire à Valladolid et de là à Saragosse pour inaugurer divers travaux publics, était indiqué comme devant être le signal d’une crise décisive. On faisait beaucoup agir le duc de la Victoire, et on lui prêtait des sentimens autres que ceux qu’il nourrissait, cela n’est point douteux. Toujours est-il que la lutte était ouverte de nouveau, sinon entre les deux généraux chefs du ministère, du moins entre leurs partisans, ou, pour mieux dire, entre la monarchie et la révolution. L’insurrection de Valence est venue mettre fin à ces dissensions des partis. Depuis ce moment, les hostilités ont cessé. Les progressistes purs ont renoncé à l’idée d’évincer O’Donnell du ministère. Le duc de la Victoire, ayant à parler dans une revue solennelle de la milice nationale de Madrid, a tenu un langage très explicitement monarchique, et on dit même qu’il a hésité à faire son voyage de Saragosse, qu’il a refusé formellement d’aller jusqu’à Barcelone, parce qu’on lui préparait des ovations qui pouvaient avoir un caractère anarchique. La situation s’est donc éclaircie à Madrid sous le coup d’un danger pressant. L’union des deux généraux est redevenue un fait accepté par tous les partis, sauf par les progressistes les plus avancés ; mais cela suffit-il ? Si l’Espagne a besoin que le duc de la Victoire et le général O’Donnell vivent d’accord, elle a besoin surtout que cet accord se manifeste par un effort décisif pour mettre fin à une politique d’indécision qui laisse s’accumuler ou renaître tous les dangers, et ne songe à les combattre que quand ils deviennent intolérables. C’est cette politique qui depuis deux ans a produit plus de cent émeutes ou insurrections sur les divers points de la Péninsule. C’est cette politique qui laisse le pays sans régime politique déterminé, qui perpétue une situation exceptionnelle, qui ne touche aux finances que pour y porter le désordre ou pour paralyser les efforts de ceux qui voudraient les relever, qui crée le trouble partout où elle parait et va au-devant des difficultés les plus périlleuses.

CH. DE MAZADE.
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V. de Mars