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ministration un peu usée ; lord Sidmouth, ministre de l’intérieur, bien plus usé lui-même, voulait se retirer ; M. Peel le remplaça dans cet important département, à la grande satisfaction du parti tory, qui le regardait comme son meilleur défenseur. Il avait naguère, dans un nouveau débat sur l’émancipation des catholiques, persisté à la repousser, et les tories lui en savaient d’autant plus de gré qu’il avait échoué avec eux dans sa résistance. Porté par l’éloquence de M. Canning et par le flot montant de l’opinion, le bill d’émancipation avait passé dans la chambre des communes, et n’était venu tomber, dans la chambre dès lords, que devant une assez faible majorité. La timidité de ses adversaires en faisait encore mieux pressentir le succès prochain ; M. Peel l’avait combattu avec une répugnance visible : « Je sais, avait-il dit, que nous n’avons à choisir qu’entre des difficultés. Selon moi, les raisons pour maintenir l’exclusion l’emportent sur les raisons pour l’abolir ; mais quelle que soit la décision de la chambre, je m’y soumettrai pleinement, et je ferai tous mes efforts pour lui concilier les protestans. » Devenu ministre de l’intérieur, il se montra bientôt encore plus doux ; il ne combattit que faiblement la rentrée des lords catholiques dans la chambre des pairs ; il admit que les catholiques d’Angleterre fussent investis des mêmes droits électoraux dont jouissaient les catholiques d’Irlande ; il fut hautement favorable, et sans aucune vue de propagande protestante tyrannique ou astucieuse, à toutes les mesures qui avaient pour objet le progrès, en Irlande, de l’éducation populaire : « Mes opinions sur la question catholique, dit-il, n’ont jamais influé sur mes vœux pour l’éducation en général ; j’aime mieux le peuple catholique éclairé qu’ignorant, et je voudrais étendre le bienfait de l’éducation à tous les partis, quelle que soit leur foi religieuse. » Cette modération libérale donnait de l’humeur à ses amis tories, et ses adversaires whigs s’en prévalaient pour mettre en doute que sa résistance officielle à leurs motions fût sérieuse. Peel se défendait de l’une et de l’autre attaque avec une vivacité sincère et embarrassée, également blessé de la méfiance et de la tyrannie de son parti, qu’il ne voulait ni trahir, ni servir aveuglément.

Il avait, pour échapper aux ennuis de cette situation, une ressource qu’il embrassa avec ardeur ; il se fit libéral et réformateur dans les questions que l’esprit de parti n’avait pas inscrites sur son drapeau. Deux whigs justement honorés, sir Samuel Romilly et sir James Mackintosh, avaient plusieurs fois provoqué, dans les lois pénales de l’Angleterre, de salutaires réformes ; mais ils appartenaient à l’opposition, leur politique générale était suspecte, les ressorts encore très tendus du pouvoir repoussaient l’adoucissement de la législation. Les efforts de ces réformateurs philosophes ne réussi-