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ver à la couronne le droit de choisir, au moins en apparence, son premier ministre, pour le remettre à une coterie aristocratique. George IV ne goûta point cet expédient ; M. Canning n’en voulait pas davantage, sachant bien qu’il ne serait pas choisi ; il déclara qu’il se retirerait. Par dignité personnelle ou par scrupule constitutionnel, M. Peel fit la même déclaration. Forcé de se prononcer, le roi se résolut enfin à suivre l’impulsion du public, et chargea M. Canning de reconstruire le cabinet. À l’instant, ses collègues tories, le duc de Wellington, le chancelier lord Eldon, les lords Bathurst, Westmoreland, Melville, Bexley et M. Peel, donnèrent leur démission. M. Canning s’efforça, mais sans succès, d’en retenir quelques-uns ; un seul, lord Bexley, consentit à rester. Le roi, piqué de cette conduite fort légitime des tories, qu’il traitait de manœuvre contre le libre exercice de sa prérogative, donna carte blanche à M. Canning pour chercher où il voudrait de nouveaux collègues. Canning à son tour promit au roi de laisser dormir la question catholique et de gouverner en général d’après les mêmes erremens que lord Liverpool. On s’entend aisément quand on se contente de concessions et de promesses que de part et d’autre on espère éluder. Canning, en liberté, réunit promptement un cabinet formé de libéraux et de tories modérés ou insignifians, et de quelques amis personnels. Les whigs, bien sûrs qu’il dériverait rapidement vers eux, lui promirent leur appui, et M. Peel, sortant des affaires avec tous les hommes considérables de son parti, entra pour la première fois dans l’opposition.

Quatre mois s’étaient à peine écoulés, et M. Canning, après avoir langui quelques jours chez le duc de Devonshire, son ami, à l’ombre des beaux cèdres et sur les beaux gazons de Chiswick, mourait au sein de son triomphe, sans avoir encore rien fait de ce pouvoir conquis avec tant d’efforts ; aucun grand succès oratoire n’avait même marqué son court passage. Attaqué dans la chambre des pairs par lord Grey avec une violence altière et méprisante, il n’y avait été que faiblement défendu par des amis inhabiles ou intimidés, et il en était blessé à ce point qu’il eut, dit-on, un moment l’idée de sortir de la chambre des communes et de se faire nommer pair, pour aller venger, dans la chambre des lords, sa politique et son honneur. Amis ou adversaires de M. Canning, tous ressentirent et témoignèrent à cette brusque mort une vive émotion. Quiconque aime à regarder en haut s’attriste de voir disparaître un des astres qui brillent au ciel. Les débris du cabinet de M. Canning lui survécurent quelques mois, ralliés autour de lord Goderich ; mais leur insuffisance devint bientôt évidente, et le 8 janvier 1828, en admettant dans leurs rangs quatre des collègues de M. Canning, les tories