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SIR ROBERT PEEL.

amis. Les whigs ne tardèrent pas à s’apercevoir que ses coups étaient plus rudes et seraient peut-être bientôt mortels. Ils essayèrent de l’intimider ou de l’affaiblir en lui prédisant les embarras qui l’attendaient dans l’exercice du pouvoir : « Si, avec les meilleures et les plus pures intentions, dit M. Macaulay, le très honorable baronet venait à entreprendre le gouvernement de ce pays, il reconnaîtrait qu’il lui serait très facile de perdre la confiance du parti qui l’y aurait élevé, et très difficile de gagner celle que possède heureusement le gouvernement actuel, la confiance du peuple irlandais. » C’était par l’Irlande surtout que les whigs se flattaient de se maintenir et de paralyser leur redoutable adversaire. Ils le sommèrent de s’expliquer nettement à ce sujet, et aussi sur toutes ses vues, tous ses principes de conduite, s’il arrivait au pouvoir. Peel accepta sans hésiter le défi. « On demande deux choses, dit-il : l’une, que celui qui va voter qu’il n’a pas confiance dans le gouvernement actuel expose avec précision les motifs de son vote ; l’autre, que ceux qui peuvent être considérés comme les successeurs probables des hommes qu’ils attaquent établissent d’après quels principes ils se proposent de conduire les affaires de ce pays. J’admets la pleine justice de la première de ces exigences. La seconde n’est peut-être pas, en droit strict, aussi parfaitement légitime ; mais je m’y rendrai très volontiers. Mes réponses à toutes les questions seront complètes et sans réserve. Je sais trop le peu de fond qu’il faut faire sur l’appui des partis qui ne connaissent pas bien les idées du chef qu’ils soutiennent, j’ai trop d’expérience de ces engagemens solennels contractés pour renverser un pouvoir et violés quand le but est atteint, j’ai trop peu d’envie d’obtenir, sous de faux semblans ou par un silence menteur, une confiance trompeuse, pour ne pas accepter avec joie cette occasion de déclarer franchement, sur tous les points que vous avez posés, mes opinions et mes desseins. »

Il commença par résumer les motifs de son opposition, s’adressant tour à tour à ses plus éminens adversaires, à lord Howick, à M. Macaulay, à lord John Russell, plus incisif, plus ironique qu’il n’avait coutume de l’être ; puis, revenant à lui-même, il passa en revue toutes les questions, toutes ses opinions sur la réforme, sur les privilèges des chambres, sur la loi des pauvres, la loi des grains, l’émancipation des catholiques, l’administration de l’Irlande, maintenant ce qu’il avait dit, indiquant ce qu’il croirait devoir faire si le pouvoir était dans ses mains, explicite et positif sur les points les plus délicats, entre autres sur la législation des céréales, au-delà peut-être de la nécessité et certainement de la prudence, évidemment entraîné par l’autorité naturelle de son caractère et par le sentiment de sa grande situation. « J’ai fini, dit-il après avoir parlé plus