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leur service de crédit qu’avec leur capital social et les ressources provenant des comptes courans, les crises n’en éclateraient pas moins lorsque des excès de spéculation ou des accidens naturels les auraient rendues inévitables. Ce point est aujourd’hui si bien établi, que les reproches adressés aux banques par les économistes qui ont le plus sévèrement surveillé leur conduite pendant les crises, bien loin d’incriminer leurs mesures restrictives, portent sur la lenteur qu’elles mettent quelquefois à recourir à ces mesures, et sur la libéralité imprévoyante avec laquelle elles ont prodigué leurs avances. Au surplus, ainsi que nous allons le voir, la substitution des billets à intérêt, remboursables à terme, aux billets payables à vue, n’aurait aucune efficacité contre le mal imaginaire pour lequel on la propose. Ramenons à sa véritable nature le billet à intérêt et à échéance de l’école du Producteur. Il faut, pour cela, le dépouiller d’un appendice inutile, l’intérêt dont il est productif. Cet intérêt n’est, dans le système de M. Enfantin, qu’une complication et une illusion. M. Enfantin voulait que sa banque délivrât, en échange des effets particuliers qu’elle recevrait, des obligations remboursables aux échéances des effets escomptés et portant un intérêt inférieur au taux de l’escompte. La différence entre l’intérêt attaché aux billets de la banque et l’intérêt perçu sur les effets escomptés eût constitué ce qu’il appelait la prime de solvabilité, destinée à garantir la banque contre la chance de non-paiement des effets reçus par elle. Il n’y aurait donc eu de réellement perçu dans cette opération que cette différence, cette prime d’assurance ; c’est qu’aussi l’opération accomplie par la banque, — donnant simplement un titre de crédit général, son obligation, en échange d’un titre particulier, l’effet de commerce, le titre général ayant d’ailleurs la même échéance que le titre particulier, — n’eût point été un escompte véritable et n’eût été en réalité qu’une opération d’assurance. Une banque telle que la concevait M. Enfantin n’était qu’une société d’assurance contre la chance de non-remboursement des effets de commerce ; ce n’était point une banque d’escompte dont la mission est de fournir un capital immédiatement disponible contre un engagement à terme. À quoi bon alors compliquer l’opération d’un escompte fictif prélevé sur l’effet particulier et d’un intérêt illusoire attaché à l’obligation de la banque ? Pourquoi ne pas ramener les deux élémens de la transaction à leur condition naturelle, en supprimant d’un côté l’escompte, de l’autre l’intérêt, et en ne laissant subsister que la prime d’assurance ? Dans la pratique d’ailleurs, soit que le négociant et l’industriel allant porter leurs effets à la banque eussent payé simplement une prime, soit qu’outre la prime ils eussent fait, sous forme d’escompte, l’avance de l’intérêt attaché aux billets de banque qu’on