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C’est une valeur adaptée à la prudence d’une classe considérable de capitalistes qui préfèrent à des éventualités brillantes de bénéfices compensés par des risques un revenu modéré, mais fixe et certain. Ce qui fait, aux yeux de cette classe de capitalistes, le mérite de l’obligation, c’est la certitude de ce revenu fixe ; mais cette certitude dépend uniquement de la nature du gage. Elle existe pleinement pour les obligations de chemins de fer. Ces obligations, qui, comme nous l’avons dit, ne forment ordinairement que les deux cinquièmes du capital dépensé, ont cependant pour gage le revenu tout entier de l’entreprise ; si l’on suppose que l’intérêt normal de l’obligation soit de 5 pour 100, pour que l’entreprise ne fût point en état de servir cet intérêt, il faudrait que le produit net annuel ne s’élevât pas à 2 pour 100 sur la totalité du capital dépensé. L’industrie des chemins de fer n’est pas soumise chez nous à des hasards qui puissent réduire à ce point ses profits. Le gage des obligations des chemins de fer est donc supérieur en valeur de trois cinquièmes à la somme fournie par les obligations ; il n’en est pas de plus réel et de plus certain. Les choses seront bien différentes pour les obligations du Crédit mobilier. Ici d’abord le gage, au lieu de dépasser dans une forte proportion la valeur de la créance représentée par les obligations, n’est que juste équivalent en capital à la somme de cette créance. Au moins ce gage aura-t-il une valeur qui soit à l’abri des dépréciations, une valeur invariable ? Non, il se composera principalement des actions de compagnies industrielles, soumises suivant les chances aléatoires de l’industrie à des alternatives de hausse et de baisse qui peuvent à tout moment en altérer la valeur. Enfin la nature même de la société de Crédit mobilier l’expose à des éventualités qui peuvent faire subir à ce gage une dépréciation particulière. Toute entreprise de crédit est sujette à un péril qui n’atteint point les chemins de fer en cours d’exploitation. Un événement politique, une crise commerciale, une panique peuvent arrêter sa marche et la soumettre à une liquidation forcée. Quelle réduction n’éprouverait pas, dans une pareille situation qu’il ne faut jamais écarter de ses prévisions quand il s’agit d’une institution de crédit, la masse des valeurs qui serviraient de gage aux obligations ! Le capitaliste prudent qui recherche les obligations de chemins de fer s’éloignera donc de celles du Crédit mobilier. Il ne pourrait s’en éprendre sans commettre une étrange inconséquence. Lui qui fuit les placemens en actions, malgré leurs chances brillantes, assumerait en effet, en souscrivant des obligations du Crédit mobilier, tous les risques des placemens en actions, sans avoir la compensation des gros bénéfices qu’il abandonnerait tout entiers à la société.

Mais, suivant le programme de M. Isaac Pereire, les obligations du