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nationale la régénération individuelle. C’était bien poser la question. Relever les caractères, n’était-ce pas le premier service à rendre à la malheureuse Italie ?

Nous n’entrerons pas dans le détail des mille manifestations plus ou moins sérieuses qui précédèrent, de 1843 à 1847, la dernière révolution italienne. Les mémoires de M. Montanelli sont très explicites à cet égard. Tantôt c’est la restitution du réfugié Rienzi faite par le ministère toscan au gouvernement romain qui fournit un thème à des proclamations politiques multipliées sur les murs de Pise et de Florence ; tantôt c’est la congrégation du Sacré-Cœur, derrière laquelle on croit entrevoir l’influence de la compagnie de Jésus, et dont on demande l’expulsion, ou bien les Polonais, en faveur desquels on ouvre une souscription. On finit par comprendre l’inutilité de ces manœuvres un peu puériles, et on en vient à saisir une arme plus redoutable, la presse. Malheureusement c’est la presse clandestine, car le gouvernement ne reconnaît pas le droit d’écrire sur les matières politiques. La presse clandestine n’était pas une nouveauté en Italie ; mais jusqu’alors ce n’était qu’en passant et avec une violence indigne de la bonne cause que les libéraux de la vieille école avaient lancé leurs provocations écrites. Un mystérieux journal rédigé par M. Montanelli étonna ses lecteurs par l’extrême modération du langage et des idées. Le désappointement fut général parmi les patriotes, mais c’était précisément l’effet que le nouveau patriote voulait produire. Demander des réformes visiblement insuffisantes, c’était amener le public pour lequel on écrivait à comprendre et à proclamer la nécessité de réformes plus radicales. Les vœux de M. Montanelli n’eurent pas longtemps d’ailleurs à se produire sous cette forme assez bizarre. Le mouvement remarquable que ses Mémoires nous signalent dans la presse clandestine coïncida avec l’avènement de Pie IX, et ne précéda pas de beaucoup l’apparition d’une loi qui permettait aux écrivains toscans la discussion respectueuse des actes du gouvernement grand-ducal. Plus de vingt journaux se fondèrent aussitôt ; mais il ne fut donné qu’à trois seulement d’atteindre à une grande publicité et à une réelle influence. L’école doctrinaire libérale eut pour organe la Patrie, rédigée par M. Salvagnoli, le parti démocratique l’aube, avec M. La Farina, le libéralisme modéré l’Italie, avec M. Montanelli. Dès-lors on rêva des transformations, on crut à des changemens pacifiques ; mais on se trompait, on était à la veille d’une révolution.

Cette révolution, qui n’en connaît les tristes et curieuses péripéties ? Un premier moment d’enthousiasme, une guerre contre l’étranger entreprise avec plus de courage que de prévoyance, bientôt des divisions funestes succédant à l’élan viril des premiers jours, et la réaction victorieuse frappant enfin et dispersant les principaux acteurs du drame ! Deux momens surtout ont été saisis dans ce drame et retracés avec une émotion pénétrante par l’auteur des Mémoires sur la Toscane. La confiance dans la cour de Rome, la confiance dans les efforts des volontaires italiens, ce furent la deux sentimens que M. Montanelli partagea en 1847 et 1848 avec plusieurs de ses compatriotes. Laissons-le s’exprimer ici lui-même. L’histoire de ses rapports avec Pie IX et de sa campagne en Lombardie est une des parties les plus instructives de son livre.