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veuille décider en sa faveur, que de convoquer le ban et l’arrière-ban de tous ces employés et fonctionnaires. Nous ne disons pas que cela se fasse souvent sous un gouvernement scrupuleux, mais il faut avouer qu’une pareille chambre n’offre pas de garanties. Ajoutez que la chambre des prêtres, composée aussi de fonctionnaires après tout, s’est habituée à suivre l’exemple de la noblesse. Restent, puisque la bourgeoisie marche le plus souvent d’accord avec l’ordre des paysans, deux chambres contre deux, et la réforme est ajournée. C’est le mécanisme que Charles-Jean savait si bien mettre en branle à son profit, et dont il ne se fit pas faute, selon le témoignage des correspondances diplomatiques, d’expliquer maintes fois franchement à nos ministres les merveilleux effets.

Nous ne craignons pas de le dire, l’acte récent par lequel le gouvernement suédois s’est rapproché des puissances occidentales signifie que ce gouvernement veut plus que jamais se régler, même pour ce qui concerne sa conduite intérieure, d’après les maximes contraires aux principes qui régissent la Russie. Une diète ordinaire doit se réunir en novembre 1856. Elle trouvera le roi et ses ministres résolus à pousser la Suède dans la voie de toutes les améliorations par le moyen d’un rapprochement toujours plus intime avec l’Occident. Il y a un mois à peine, les journaux nous annonçaient enfin l’inauguration de la première ligne de fer suédoise avec locomotives ; c’est un tronçon encore bien peu considérable de la grande voie, en cours d’exécution, qui doit relier Stockholm à Gothenbourg. La cause des chemins de fer, plaidée depuis dix ans en Suède avec une si louable activité, et malgré tant d’obstacles, par M. le colonel Rosen, est donc à présent gagnée, en dépit de ceux qui disent encore que les chemins de fer porteront une redoutable atteinte à l’an tique moralité du Nord. L’agriculture suédoise a fait de son côté de grands progrès dans ces dernières années, surtout par la nouvelle législation sur l’eau-de-vie, qui, en délivrant la nation d’une liqueur empoisonnée, a réservé pour l’exportation des masses considérables de grains dans un pays à qui naguère l’importation était nécessaire. Cependant, si ces progrès sont incontestables, il en reste encore beau coup d’autres à faire ; il faut surtout, par exemple, doter la Suède d’institutions financières auxquelles elle s’habituera peut-être difficilement, mais qui lui sont indispensables pour multiplier ses ressources. Or, pour tant de réformes à pratiquer, l’Angleterre et la France ne sont-elles pas naturellement les modèles et les auxiliaires de la Suède, et croit-on que l’amitié politique des puissances occidentales doive être impuissante à rendre plus faciles et à multiplier ces féconds emprunts ?

Disons plus : les mœurs elles-mêmes, la culture intellectuelle et