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Les découvertes de Trembley, confirmant si bien celle de Peyssonel, eurent un retentissement immense. La cour et la ville, pour parler le langage d’alors, s’en préoccupèrent. Les premiers polypes envoyés de Hollande furent solennellement présentés à l’Académie des Sciences par Réaumur, qui indiqua en même temps d’autres animaux comme pouvant présenter des phénomènes analogues. Aussitôt on se mit à l’œuvre de toutes parts. Sur les côtes de la Bretagne et de l’Anjou, Bernard de Jussieu et Guettard mirent en pièces à l’envi actinies et astéries. Dans les deux groupes, ils constatèrent la reproduction des parties enlevées. Ils s’assurèrent de la nature vraiment animale d’un grand nombre de polypiers, et allèrent même trop loin, en rangeant parmi ces derniers bon nombre de végétaux calcarifères qui n’ont recouvré que bien tard leur véritable place. D’un autre côté, Réaumur et ses émules interrogèrent les eaux douces, et les bryozoaires de nos étangs, les planaires et les naïs de nos ruisseaux, les vers de terre eux-mêmes se montrèrent à divers degrés insensibles à des mutilations qui ne faisaient que les multiplier.

À toutes ces expériences, la physiologie positive gagna deux grandes vérités, à savoir que certains animaux peuvent, comme les plantes, se reproduire par boutures et par bourgeons. Il ne pouvait plus être ici question d’oviparisme ; il fallait bien se mettre en quête d’explications nouvelles. Alors les métaphysiciens, qu’ils fussent naturalistes ou non, se mirent de la partie. La doctrine des germes préexistons régnait à ce moment presque sans partage. Comment concilier les faits nouveaux avec cette théorie ? Bonnet consacra à la solution de ce problème de longues méditations qui aboutirent a une exagération nouvelle, à la panspermie, théorie bizarre qui admet l’existence constante et la diffusion universelle de germes partout présens et toujours prêts à se développer. D’autre part, les cartésiens s’emparèrent de ces expériences, et demandèrent aux partisans de l’âme des bêtes ce que devenait l’âme d’un polype coupé en cinquante morceaux, dont chacun reproduit un individu complet. L’âme avait-elle été divisée aussi bien que le corps, ou bien était-elle restée tout entière dans un fragment favorisé ? Dans le premier cas, ces cinquantièmes d’âme se complétaient-ils ? Dans le second, comment les morceaux primitivement privés d’âme pouvaient-ils se conduire et agir aussi bien que celui qui l’avait gardée ? Existait-il donc des germes d’âme comme des germes de corps ? Ces questions et bien d’autres furent vivement agitées, mais peu à peu tout ce bruit se calma. Les problèmes insolubles furent laissés de côté, et grâce à l’habitude, à la multiplicité même des faits, on finit par trouver tout simple qu’un animal pût se reproduire à la manière des végétaux, comme on s’était habitué à admettre qu’un insecte fût