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la plupart appartiennent à la magistrature et au haut commerce ; l’Assistance chrétienne, à laquelle on s’affilie moyennant une contribution hebdomadaire de 2 cents (1 florin par an) ; la société Tuenda ; celle du Bien-Être, qui s’efforce de soutenir les protestans malheureux que l’église romaine voudrait attirer dans son sein ; la société Phylacterion, qui interdit de se marier avec une personne catholique. Les adversaires du protestantisme hollandais traitent de sociétés secrètes ces affiliations, dont le but est pourtant avoué. Secrètes ou non, ces associations ne se proposent pas de détruire, mais de conserver. Leur rôle est de servir de bouclier à la foi néerlandaise. Au nombre de ces moyens de défense, il ne faut point oublier la publication de certains journaux. À Thiel, par exemple, il paraît une feuille intitulée le Flambeau, que les catholiques désignent sous le nom d’organe du protestantisme rouge. Indépendamment des sociétés plus ou moins occultes et des journaux, la religion nationale, qui a cessé d’être religion d’état, mais qui n’a point abjuré son action sur les consciences, possède, anime, inspire les universités. La Néerlande a trois universités : celles de Leyde, d’Utrecht et de Groningue, et deux athénées, situés l’un à Amsterdam, l’autre à Deventer. La vie littéraire et scientifique se trouve en quelque sorte concentrée dans ces institutions, la vie morale et religieuse du pays s’y rattache par des liens qu’il est facile de saisir : l’histoire des idées y est inscrite dans le personnel du corps enseignant. Nous aurons quelquefois l’occasion de comparer le présent au passé. Puisse ce rapprochement de faits ranimer l’ardeur engourdie d’une nation qui, selon l’expression d’Hugo Grotius, tient une place honorable sur la mer comme sur l’océan des connaissances humaines !


I

La ville de Leyde est le Versailles de la Hollande pour son air de grandeur déchue, de tristesse souveraine et de solitude imposante. Elle ne pleure point les fêtes ni les grandeurs évanouies d’une ancienne cour, mais elle regrette son industrie éteinte, ses fabriques de drap, autrefois célèbres dans le monde entier, aujourd’hui perdues. Ces fabriques, berceau d’une aristocratie nouvelle, avaient été fondées en partie par des réfugiés français, qui, après la Saint-Barthélémy et après la révocation de l’édit de Nantes, portèrent en Hollande leur activité, leurs richesses, leurs lumières. Le désir de ressaisir une patrie les rendit entreprenans et supérieurs à l’adversité. Leyde devint alors par leur concours ce que devait plus tard devenir Manchester pour la Grande-Bretagne, le centre d’une industrie forte et productive. De cette grandeur économique et de cette