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Il n’est point surprenant qu’une si grande quantité de valeurs, dont la circulation est si facile, qui se prêtent si bien par la modicité des sommes que représentent leurs titres aux besoins de ceux qui veulent les vendre, à la commodité de ceux qui veulent les acheter, donne lieu à un immense mouvement d’affaires, et que la Bourse, théâtre de ces affaires, ait pris une si grande place dans les préoccupations générales.

L’activité qui règne aujourd’hui dans le commerce des valeurs et la multiplicité croissante des opérations de bourse sont la conséquence naturelle, régulière, nécessaire, d’une situation créée par le développement du crédit public et du crédit commanditaire. Il faut donc se garder, si l’on veut apprécier sainement les opérations de bourse, de la réprobation instinctive qu’elles inspiraient autrefois au sentiment populaire. L’opération de bourse est la vente et l’achat d’une chose qui a été faite pour être vendue et achetée : rien en soi de plus légitime ; mais, cette réserve posée, il ne faut point non plus s’abuser sur les avantages du commerce des valeurs.

Au point de vue économique, l’opération de bourse n’est pas, comme les transactions du crédit commercial et du commerce ordinaire, directement féconde. Elle n’est accompagnée d’aucune production de richesse. La chose vendue et achetée ne retire de cette opération aucun accroissement de valeur. L’achat et la vente du titre n’ajoutent aucune façon, aucun travail au capital dont il est le signe. Si c’est un titre de rente, sa valeur intrinsèque reste invariable comme le revenu fixe qu’il représente ; si c’est une action industrielle, sa valeur intrinsèque demeure soumise aux chances de l’entreprise du capital de laquelle il représente une fraction. Les opérations de bourse ne font donc que donner aux valeurs une circulation stérile en elle-même ; dans leur action directe, elles sont improductives et n’augmentent en rien la richesse générale.

C’est dans leurs effets indirects qu’il faut chercher leur utilité. Le grand commerce des valeurs qui se fait à la Bourse a le double avantage de procurer aux propriétaires de ces valeurs la disponibilité de leurs capitaux toutes les fois qu’ils veulent les déplacer pour les appliquer à de nouvelles entreprises, et d’attirer vers des placemens utiles et commodes les capitaux sans emploi. Par cette double action, le commerce des valeurs agglomère à la Bourse les capitaux et les épargnes, il excite leur concurrence. Il seconde par la hausse des cours la baisse de l’intérêt, et rend ainsi d’éminens services à l’état lorsqu’il est obligé de recourir aux emprunts, à l’industrie lorsqu’elle réclame des entreprises trop considérables pour les efforts et les ressources privées, et qui ne peuvent être tentées que par l’association commanditaire. Quoique la circulation que les opérations de bourse