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et sans capitaux, qui ne peut ni livrer la valeur, ni la payer avec ses propres ressources, et c’est cette loi qui fixe, par exemple pour la spéculation à la hausse, le prix des reports, dont le taux réagit immédiatement sur les prix des valeurs.


On doit commencer à pressentir ici qu’il existe des moyens pour les grands banquiers et les grands capitalistes de modifier les prix à leur convenance à certains momens donnés, indépendamment des influences naturelles, générales ou particulières qui en déterminent la tendance. Les banquiers et les capitalistes sont d’ailleurs obligés par nécessité d’état de remplir et de vider alternativement leurs portefeuilles, et de faire cette opération le plus souvent possible ; ils doivent être constamment appliqués à vendre plus cher qu’ils n’achètent ; il faut par conséquent s’attendre à les voir rechercher et employer tous les moyens qui sont à leur disposition pour modifier les prix à leur avantage, c’est-à-dire pour peser sur les cours quand ils ont besoin d’acheter, pour les faire monter quand ils ont besoin de vendre. Nous ferons seulement remarquer, avant d’indiquer quelques-uns de ces moyens, qu’en les employant dans les conditions égales de la concurrence et sous le frein de la responsabilité personnelle, les banquiers ordinaires usent d’un droit légitime ; c’est pour eux la seule manière de se défendre dans les luttes de la Bourse, où leur profession les engage ; la concurrence des intérêts neutralise au surplus les mauvais effets de ces pratiques, et les fait tourner en définitive au profit général.

Cette réserve posée, qu’on nous permette de présenter, en exagérant un peu les expressions afin de nous rendre plus intelligibles, quelques-uns des cas où peut se faire sentir l’influence des grandes concentrations de capitaux s’exerçant à la Bourse au moyen dès combinaisons que nous avons décrites, et à l’encontre des diverses classes de spéculateurs que nous avons signalées.

Appelons X… un banquier ou un grand établissement agissant avec une masse de capitaux assez considérable pour que ses mouvemens ne puissent s’accomplir sans que, dans de certaines circonstances, les mouvemens du marché ne s’en ressentent. Supposons que X… ait des emplois de fonds à faire en valeurs. Il veut acheter ; il est par conséquent intéressé momentanément à voir ramenées à des prix bas les valeurs qu’il se propose d’acquérir. Le mécanisme des reports lui fournit le moyen d’agir dans le sens de cet intérêt. Le report est, comme nous l’avons vu, la forme du crédit que le capital fait à la spéculation. À la faveur du report, les spéculateurs qui ont acheté à terme des valeurs dont ils n’ont pas les moyens de payer les titres peuvent prolonger leur opération en payant un intérêt pour un mois