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répondre qu’il ne sera pas demain aux Indes[1]. Poussé vers les voyages par le démon de la science, oubliant, dans ses heures d’inspiration, les besoins de la vie matérielle, inégal dans ses études et dans ses loisirs, il représente bien le type des naturalistes allemands, dévoués d’esprit et de cœur à la contemplation de l’univers. On se souvient ici de Mlle Sybille Merian, qui, dans le dernier siècle, traversa les mers pour faire connaissance avec les insectes de Surinam.

À côté des monumens de la science, on rencontre à Leyde les monumens de l’histoire. Le musée des antiques mérite sa réputation pour le grand nombre de ses figures indiennes et égyptiennes. M. le professeur van der Chys enseigne la science numismatique et possède un cabinet remarquable. Enfin nous nous arrêterons à une collection unique dans le monde, c’est le cabinet japonais de M. Siebold. La nation néerlandaise était jusque dans ces derniers temps la seule qui pût entretenir des rapports avec le Japon. Il existe une île nommée Décima, qui appartient aux Japonais, et dans laquelle les Hollandais ont établi un comptoir. Là, ils vivent tranquilles, à la condition de ne point franchir la limite d’un pont qui les sépare de la ville. Ce point de contact, si restreint qu’il fût, était encore, il y a quelques années, le seul lien par lequel cette partie de l’Orient communiquait avec l’Europe. De tels rapports avaient suffi pour implanter la langue hollandaise au Japon. Les savans du pays étudient dans les écoles publiques cet idiome, qui n’est parlé en Europe que par trois ou quatre millions d’individus. Il existe même au Japon des livres écrits, par les indigènes dans le hollandais qui se parlait en Hollande il y a deux siècles. La bonne intelligence des deux nations alliées se traduit par des cadeaux réciproques. Dernièrement, le roi de Hollande envoyait à l’empereur du Japon un bateau à vapeur qui excita fort l’étonnement et l’enthousiasme des indigènes. L’opposition des états-généraux trouva d’abord matière à critique dans cette munificence, et un des députés allait jusqu’à dire que l’empereur du Japon, par quelque extravagance de souverain absolu, pourrait un beau jour avoir l’envie d’un cheval vert ! Quant au vaisseau donné en cadeau à l’empereur du Japon, il a été le gage de la consolidation des bons rapports entre les deux nations. Une nouvelle convention vient d’être signée à Nagasaki, ville voisine de Décima. De nouveaux avantages sont assurés aux Hollandais dans ces régions lointaines, et on a laissé même pressentir la négociation d’un traité plus large. Le gouvernement japonais, voulant s’initier à tous les progrès de l’architecture navale moderne, a fait en Hollande des commandes assez

  1. M. Junghuhn vient en effet d’arriver à Java, où il va, par ordre du gouvernement, activer la culture du quinquina.