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de plafond. Là firent leurs premières armes quelques hommes aujourd’hui connus dans la littérature ou dans les assemblées du pays. La jeunesse égayait ces réunions d’une foule de facéties toutes germaniques. Un jour, le verre patriarcal dans lequel on buvait le vin du Rhin pour arroser les discussions savantes fut trouvé brisé. Les étudians décidèrent qu’on lui ferait les honneurs d’un enterrement en règle. Ces funérailles eurent de l’éclat. Les membres de la société littéraire se réunirent dans le burg ; une fosse était creusée ; le défunt fut déposé en terre avec toute la pompe due à ses nombreux services. M. Beets, aujourd’hui un grave ministre de l’Évangile, alors un joyeux étudiant, prononça en fort beaux vers l’oraison funèbre de celui qu’on venait de perdre[1]. Un tombeau fut érigé à la mémoire du mort, et sur le tombeau on grava deux inscriptions latines : Poculo optime de se merito posuerunt fratres rhetorici, — et au revers du monument : Fortuna vitrea est.

L’été, les étudians se répandent dans la campagne en essaims bruyans. J’ai traversé un jour, aux environs de Leyde, un village dans lequel les jeunes gens qui s’étaient tirés avec honneur de leurs derniers examens allaient se réjouir avec leurs camarades et célébrer le succès de leurs études. On buvait pour arroser la thèse. Après le repas, dans lequel toutes les facéties et toutes les réminiscences classiques se croisaient avec le feu de la jeunesse, la bande joyeuse se dirigeait vers la maison du bourgmestre. Droit sous l’ivresse, grave sous le rire, on présentait la thèse au magistrat local, qui, sans y entendre malice, entouré des autorités municipales du lieu, félicitait avec pompe, mais peut-être avec un peu trop de bonne foi, le nouveau docteur. La cérémonie, moitié bouffonne, moitié sérieuse, se renouvelait à chaque admission. Ces scènes de la vie de jeunesse ont trouvé un historien dans un ancien étudiant de Leyde, M. Knepellhout. L’auteur s’était d’abord abreuvé aux sources de la littérature française, il avait même publié deux volumes dans notre langue ; mais, abandonnant bientôt une entreprise qu’il a qualifiée lui-même plus tard de téméraire, M. Knepellhout a retrouvé depuis plusieurs années, en hollandais, un talent gracieux et spirituel. Si le développement des détails ne s’y opposait, nous aimerions à citer quelques pages de son livre sur les Étudians, dans lequel le langage de la population universitaire est reproduit avec une liberté toute néerlandaise. Il existe aussi un recueil de caricatures intitulé Zoo zyn er (Il y en a de pareils), dans lequel l’artiste a crayonné les types plus ou moins grotesques de cette jeunesse des écoles.

  1. M. Beets, dont nous avons déjà parlé dans ces études, est un écrivain populaire en Hollande sous le nom d’Hildebrand. On publie maintenant à Paris une traduction de ses œuvres.