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REVUE DES DEUX MONDES.

Le Brésil est un de ces pays immenses par l’étendue, prodigieusement féconds en ressources et faits pour un avenir de grandeur, mais qui se donnent le luxe d’une politique un peu conquérante avant d’être arrivés à se con quérir eux-mêmes.

CH. DE MAZADE.

REVUE MUSICALE

Les théâtres lyriques se meurent presque d’inanition. À l’Opéra, rien de nouveau depuis le Corsaire, médiocre ballet qui continue cependant d’attirer la foule, grâce au talent de la Rosati et à l’imitation d’un naufrage qui fait les délices de tous les Parisiens qui n’ont vu de bourrasques que sur le lac du bois de Boulogne. Évertuez-vous donc à faire des chefs-d’œuvre, quand on voit des scenario comme celui du Corsaire remplir trois fois par semaine la grande salle de l’Opéra ! Il y a au moins dix-huit mois qu’on répète, qu’on arrange et qu’on dérange à ce même théâtre un ouvrage intitulé la Rose de Florence, qui, après avoir été mis en deux actes, puis allongé en trois, en quatre, et remis en trois actes, est définitivement renvoyé aux calendes grecques, c’est-à-dire à l’année prochaine, s’il y a lieu. Quelques débuts insignifians et le rétablissement des pensions, qui avaient été supprimées en 1830, sont les seuls événemens qui se soient accomplis à l’Opéra depuis six mois. Quant à des ouvrages nouveaux, il n’en est pas plus question que des chefs-d’œuvre de Glück, de Sacchini, de Spontini et de Rossini, qui dorment dans les cartons du sommeil des immortels.

Le théâtre de l’Opéra-Comique, pour être plus actif, n’en est pas plus heureux. Les opéras s’y succèdent et passent rapidement, comme des ombres chinoises, sans laisser de traces. On ne parle déjà plus de Mme Cabel, cette petite planète découverte, il y a quelques années, par des astronomes de contrebande, et qui a presque disparu de notre horizon constellé. Cependant on a donné, le 26 avril, un opéra-comique en trois actes, Valentine d’Aubigny, qui devait, disait-on, renouveler les douces émotions de l’Éclair. Qu’est-ce donc que Mlle Valentine d’Aubigny ? Une jeune orpheline de condition, qui, ne sachant où se réfugier, va demander un asile à une famille de province qu’elle a connue dans des temps meilleurs. Elle se met en voyage et arrive à Fontainebleau, dans une auberge de fort mauvaise compagnie, où se passent des événemens qui pourraient être du ressort au moins de la police correctionnelle. Dans cette auberge se rencontrent à la fois un jeune comte de Mauléon, ami d’enfance de Valentine, qu’il n’a pas vue depuis des siècles, et dont il a conservé le plus tendre souvenir ; un chevalier de Bois-Robert avec une Sylvia de la Comédie-Italienne, qui le poursuit armée d’un billet à la La Châtre, dont elle exige le remboursement ou l’équivalent par un mariage en bonne forme. Mlle d’Aubigny n’aurait qu’un mot à dire pour revendiquer le nom que Sylvia lui enlève pour tromper la candeur du comte de Mauléon, et ce mot, elle ne le dit qu’à la fin du troisième acte, parce que sans cette réserve extrême la pièce n’existerait pas. Si du moins l’imbroglio de MM. Jules Barbier et Michel Carré était amusant, on passerait condamnation sur le reste et sur l’invraisemblance de leur fable médiocre. On n’apprécie toute l’habileté de M. Scribe dans ce genre, plus difficile qu’on ne croit, que lorsqu’on voit les