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nouvelle forme, l’infusoire, au lieu d’être fixé, est libre, très agile, et tellement vorace, qu’il avale souvent des individus de sa propre espèce dont le volume est à peine d’un tiers inférieur au sien.

En admettant l’exactitude de cette dernière observation, il y a un grand intérêt à découvrir ce que deviennent ces oxytriques. Or c’est précisément ce qu’a fait M. Jules Haime, jeune savant aussi bien connu déjà des lecteurs de la Revue que des naturalistes. Notre collaborateur a pris pour sujet de ses études l’oxytrique gibbeuse (oxytricha gibba)[1]. Il a constaté de nouveau chez elle les traits de mœurs que je rappelais tout à l’heure, et l’a vue se reproduire par fissiparité ; puis il a reconnu qu’à un moment donné les individus ainsi produits deviennent de plus en plus lents dans leurs mouvemens, se contractent, perdent leurs cils et s’enkistent dans une coque flexible sécrétée par les tégumens. À cette époque, l’oxytrique n’est plus qu’une petite masse de matière vivante, sans trace aucune d’organisation, et renfermée dans une sphère d’environ trois centièmes de millimètre en diamètre. À l’intérieur de cette masse se passent des mouvemens insaisissables à l’œil, mais reconnaissables à leurs effets.

À diverses reprises, des granulations irrégulières sortent de cette espèce de boule ; un petit vide se forme à l’intérieur, et des cils vibratiles commencent à se montrer ; de nouvelles expulsions ont lieu ; la masse intérieure se partage en deux portions, dont une seule est vivante, et bientôt le nouvel être, abandonnant la partie morte, sort de sa prison temporaire avec les caractères d’un infusoire ovoïde ayant à peine un tiers de la longueur de l’oxytrique. Dans cet état, il appartient au genre loxode des naturalistes classificateurs. Après avoir vécu quelque temps sous cette forme, il se remet en boule ; une abondante sécrétion s’échappe de tout son corps, puis la bouche apparaît comme une petite échancrure ; un poil proportionnellement très fort, très gros, pousse à côté d’elle ; quatre ou cinq autres se montrent en arrière ; le corps bombé en dessus, presque plat en dessous, se couvre de grosses bosselures, et l’infusoire se meut avec une rapidité extrême, tantôt nageant à l’aide de ses cils, tantôt marchant sur ses poils, qui lui servent de pattes. Sous cette forme, si différente de celles qu’il avait présentées jusqu’ici, l’oxytrique a été décrit et figuré comme étant la trichode lyncée (trichoda lynccus).

Si nous admettons que les observations de M. Haime continuent « elles de M. Pineau, ce qui est fort probable ; si nous supposons, ce qui est bien permis, que la vorticelle, étudiée par ce dernier, avait

  1. Observations sur les Métamorphoses et l’Organisation de la Trichoda lynceus, 1853, Annales des Sciences naturelles.