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L’AGRICULTURE
ET
LE LIBRE-ÉCHANGE


Il y a environ dix ans qu’une grande agitation populaire, fort connue sous le nom de ligue, a fait définitivement triompher en Angleterre le principe de la libre importation des denrées alimentaires. Vers la même époque, une association du même genre s’était formée en France ; elle n’a pas eu le même succès. Le régime protecteur, vivement attaqué, mais non moins défendu, a résisté, et des discussions ardentes qui ont eu lieu alors, il est généralement resté dans les esprits un souvenir peu favorable au libre-échange, devenu une sorte d’épouvantail. Ce jugement de l’opinion ne me paraît pas fondé. Des faits récens l’ont ébranlé, même chez nous, et l’expérience du régime contraire devient de plus en plus décisive en Angleterre. Le moment me paraît donc venu de reprendre la question. Je laisse à d’autres le soin de la traiter au point de vue industriel et commercial, je veux seulement l’examiner au point de vue agricole.

À mon sens, l’agriculture nationale n’a absolument aucun intérêt à la conservation du système qu’on est convenu d’appeler protecteur, elle a plutôt des intérêts contraires. Elle n’a pu s’y attacher que par suite d’un malentendu, et comme il faut dire la vérité à tout le monde, c’est le langage des libres échangistes eux-mêmes qui a été la principale cause de l’erreur. La liberté commerciale est bonne partout, en France comme en Angleterre, mais les raisons pour l’adopter ne sont pas exactement les mêmes dans les deux pays. Les membres de l’association française pour la liberté des échanges n’ont