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Hume à Paris avec le titre de chargé d’affaires jusqu’à l’arrivée du duc de Richmond, et le philosophe eut à conduire à fin plusieurs négociations importantes. La correspondance diplomatique de Hume existe encore aux archives du Foreign-Office; lord Brougham, qui en a eu communication, en rend le témoignage suivant : « Elle fait beaucoup d’honneur aux talens pratiques de Hume et à sa capacité pour les affaires; ses dépêches, dont quelques-unes sont fort longues et qui sont presque toutes de sa main, sont écrites avec clarté et habileté. La ligne de conduite qu’il suit vis-à-vis d’un gouvernement plein de ruses et de faux-fuyans atteste autant de fermeté et de mesure que de pénétration et de sagacité. Ses rapports montrent une connaissance parfaite des usages et des traditions diplomatiques, et sont à la fois bien écrits et habilement raisonnes. »

Ces marques de capacité données par Hume dans des fonctions délicates expliquent comment ce philosophe, ce lettré, introduit trois ans auparavant dans la vie politique par ce qu’on appelait le caprice d’un grand seigneur, décrié pour ses opinions et ses écrits par le parti dominant, en butte à la malveillance de tout ce qui se piquait de dévotion, se trouva, après un court passage par les affaires, honoré de la bienveillance du roi George et de l’estime de tous les ministres. A la veille d’échanger son ambassade contre la vice-royauté d’Irlande, lord Hertford vint un jour trouver Hume dans sa chambre pour lui dire qu’il savait que bien des gens par leurs caresses voulaient le retenir en France, mais qu’il espérait que Hume ne se séparerait point de lui, qui l’aimait et l’estimait et avait besoin de son amitié. Cette démarche, si flatteuse et si cordiale, mit fin aux tentations que Hume avait pu éprouver de demeurer en France, et dès qu’il fut déchargé de ses fonctions, il se rendit à Londres. Lord Hertford avait demandé que Hume lui fût donné comme secrétaire d’état en Irlande. Des nécessités ministérielles rendirent cette combinaison impossible; mais le frère du marquis, le général Conway, ayant été appelé au ministère des affaires étrangères, prit Hume auprès de lui comme sous-secrétaire d’état. Hume remplit ces fonctions jusqu’au milieu de 1768, et pendant près de dix-huit mois ce fut lui qui dirigea toute la correspondance diplomatique de l’Angleterre.

Ce fut dans les premiers jours du retour de Hume en Angleterre qu’éclata sa querelle avec Rousseau, qui fit en France beaucoup plus de bruit qu’elle ne méritait, et dont il est indispensable de dire quelques mots. Obligé de quitter l’Allemagne et désireux de se rendre en Angleterre, Rousseau avait obtenu de traverser la France. Il arriva à Paris au moment où Hume allait repartir pour l’Angleterre. Il fut présenté au philosophe anglais, dont on avait déjà à plusieurs reprises réclamé pour lui les bons offices. Hume s’engoua de Rousseau, le pré-