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Après le gouverneur et son conseil se placent les cours suprêmes, nommées par la couronne, et qui siègent aux chefs-lieux des trois présidences. Lorsqu’en 1773 le parlement anglais s’occupa de formuler la première constitution indienne, l’autorité absolue que les traités accordaient au gouvernement de la compagnie non-seulement sur la fortune et la vie des natifs, mais encore sur la fortune et la vie de tous leurs concitoyens demeurant dans l’Inde, ne fut pas sans effrayer l’opinion publique. On se prononça fortement en faveur d’une institution judiciaire qui devait avoir pour mission de surveiller les actes arbitraires que pourraient commettre des hommes qui, munis comme les officiers de la compagnie de pouvoirs étendus, ne relevaient que de son autorité. Un vote du parlement autorisa donc la couronne à instituer au sein de chaque présidence une cour de justice, chargée de faire exécuter la loi anglaise dans un rayon défini de territoire, et de plus investie du droit de juridiction criminelle sur tous les sujets anglais (british born subjects) résidens dans l’Inde. Cette institution, qui donnait un certain contrôle à la couronne sur les actes des serviteurs de la compagnie, satisfaisait aussi cette passion ardente et obstinée pour la constitution et les lois du pays qui forme un des traits distinctifs du caractère anglais. Enfin elle avait encore l’avantage de réfréner les violences auxquelles pouvaient se livrer envers les natifs des aventuriers de bas étage, comme l’étaient les premiers serviteurs de la compagnie. Malheureusement la lutte ne tarda pas à s’ouvrir entre les juges des cours suprêmes, désireux d’étendre leur juridiction, et les officiers de la compagnie, trop enclins à s’en affranchir, et ce conflit fut bien près de porter un coup mortel à la fortune naissante de l’Angleterre dans l’Inde. Aujourd’hui les attributions des cours suprêmes sont mieux définies; les ambitions, les passions individuelles se sont amorties sous l’action d’un gouvernement régulier, mais le fait anormal résultant de l’institution des tribunaux suprêmes ne subsiste pas moins encore dans toute sa force. Les sujets anglais résidant dans l’intérieur du pays, placés sous la juridiction exclusive de tribunaux qui siègent à quatre et cinq cents lieues de leur domicile, sont de fait indépendans de tout contrôle régulier, et c’est là une lacune de l’organisation anglo-indienne qu’il est important de combler au plus vite. Les juges des cours suprêmes sont investis pour douze ans de leurs fonctions et sont recrutés parmi les légistes les plus éminens du barreau anglais[1].

  1. Le président ou chief justice reçoit un salaire annuel de 8,000 livres sterling, et les deux autres membres de la cour 6,000 liv. sterl. Après la période réglementaire de leur temps de service, une pension viagère de 2,000 liv. st. est allouée au chief justice. Cette pension se réduit à 1,500 liv, sterl. pour les deux autres juges.