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chissement, à l’émancipation de l’Italie, et lui déclare ouvertement la guerre. C’est contre la papauté qu’il écrivit son Arnaldo, et ses sentimens n’ont jamais varié, même au milieu des transports d’enthousiasme qu’excitèrent les premiers actes de Pie IX. Aut aliquis latet error. Puis, quand les événemens lui ont donné raison, désolé de n’avoir pas eu tort, il s’est enseveli dans la solitude et le silence, trop tôt pour nous sans doute, mais trop tard pour que sa renommée pût en souffrir.

Ceux qui l’ont suivi dans la carrière dramatique ne sauraient lui être comparés. Faut-il nommer M. Battaglia, le plus habile, M. Révere, le plus distingué de tous, M. Brofferio, qui n’aurait pas d’égal, si l’esprit pouvait suffire, MM. Turotti, César délia Valle (duc de Ventignano), et Marenco, dont le public français connaît aujourd’hui la Pia dei Tolomei, tous écrivains de talent, mais médiocrement doués des qualités par lesquelles on réussit au théâtre? Il leur manque à tous ce je ne sais quoi qui permet de distinguer l’art du métier, l’inspiration d’une banale habileté; il leur manque la notion claire et précise de ce qu’ils doivent peindre, l’intelligence de cette vérité humaine qui est la même sous toutes les formes, en tous les temps, sous tous les climats.

La comédie a été moins heureuse au début de ce siècle. Goldoni était mort en 1792. Ses successeurs, s’il en a eu, ne sont guère que des collatéraux. Après le succès, tout français à l’origine, du Bourru bienfaisant et de tant d’autres œuvres remarquables ou estimables, la comédie écrite et régulière restait seule possible pour les classes éclairées de la société. Cependant le goût pour l’impromptu était si tenace, que les prétendus héritiers de Goldoni y revinrent autant qu’ils le purent. Ils en conservèrent les allures, le ton, tout enfin, excepté l’improvisation. Ainsi procédèrent Federici, Sografi, surtout Giraud, dont l’esprit est aussi français que le nom, et qui nous rappelle par ses ouvrages, toutes proportions gardées, les ingénieuses fantaisies de M. de Musset. Joignez à ces écrivains le baron Cosenza, Napolitain dont la fécondité est le principal mérite; Genoino, un abbé, un Berquin manqué; Albert Nota, Piémontais, réputation surfaite, auteur de comédies sages, mais froides; Brofferio, toujours amusant, mais trop superficiel, et quelques autres qu’on me permettra de passer sous silence : voilà ce que nous offre la comédie jusqu’à ces dernières années. Évidemment elle a, dans les premières années du siècle, cédé le pas à la tragédie ou au drame tragique; mais une période commence, qui semble promettre le triomphe aux vaincus. L’équilibre se rétablirait donc un moment entre les deux tendances dramatiques qui sollicitent tour à tour l’Italie.