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Matteo Maruffo, qui n’avait pu débloquer ses compatriotes avec sa flotte, reçut de puissans renforts et s’empara, sur la côte orientale de l’Adriatique, de Trieste et de plusieurs autres villes. Trieste fut cédée par les Génois au patriarche d’Aquilée, le plus irréconciliable, mais non le plus puissant ennemi de Venise; puis des mains du patriarche, elle passa, à la condition, qui fut fort mal tenue, de diverses redevances envers le pavillon de Saint-Marc, sous le protectorat de l’empereur Frédéric III. Confiante dans cet appui, elle tenta, par une sorte de prescience de ses futures destinées, de contester à Venise la souveraineté de l’Adriatique et de devenir l’entrepôt principal du commerce de l’Allemagne avec la Méditerranée. La république de Venise avait plus d’une fois fait la guerre pour de moindres atteintes à ses intérêts : elle fit investir Trieste par terre et par mer; mais la résistance des habitans donna aux troupes impériales le temps d’arriver. Une guerre affreuse était imminente; l’habile et prompte intervention du pape Paul II en prévint l’explosion, et la paix fut rétablie par le traité de 1463 au prix de quelques sacrifices imposés à l’ambition des Triestains. Entre autres clauses singulières, il leur était interdit, sous peine de mort, de faire le commerce et le transport du sel, dont les Vénitiens s’arrogeaient le monopole.

La guerre de 1508 fut plus heureuse pour Venise. Ses troupes, appuyées par un corps d’armée français, battirent dans le Frioul, le Milanais et le Vicentin celles de l’empereur Maximilien Ier. Sous l’impression de ces avantages et malgré les représentations de Louis XII, Trieste fut attaquée à la fois par terre et par mer. Prise au dépourvu, elle capitula; mais ce nouvel asservissement ne fut pas de longue durée. A peine les événemens dont il était la conséquence étaient-ils accomplis, que la ligue de Cambrai, contractée entre le roi de France, l’empereur et le pape, mit la république à deux doigts de sa perte; l’instant en sembla marqué par la bataille d’Agnadel, gagnée le 9 mai 1509 par Louis XII en personne; quelques jours après, les débris des armées vénitiennes étaient refoulés au bord des lagunes de Mestre. Une si belle occasion ne pouvait pas être perdue. Les Triestains chassèrent des maîtres détestés : ils abattirent cette fois pour jamais le pavillon de Saint-Marc, et à la paix de Noyon (13 mai 1516), leur territoire fut définitivement attribué à l’empereur, — Pendant les deux siècles qui suivirent, aucun événement important ne vint affecter leur condition. Attachés à la fortune de l’Autriche, il leur appartenait d’entrer les premiers dans toutes les voies qu’elle s’ouvrirait du côté de la mer. Le règne de l’empereur Charles VI devait être pour eux l’aurore d’une nouvelle ère.

Ce monarque possédait de son chef le royaume de Naples, et le traité de Rastadt avait ajouté en 1714 l’île de Sardaigne à ses états; il avait donc à multiplier les relations entre de vastes provinces ma-