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uniforme, mus par la vapeur, manquent rarement d’être accueillis à l’arrivée et salués au départ par une foule bienveillante. Ils sont chargés des voyageurs et des correspondances de toutes les échelles de l’Adriatique et du Levant; il n’est pas de négociant dans la ville qui n’ait un intérêt dans leurs cargaisons, et l’étranger juge, à l’empressement dont ils sont l’objet, qu’un sentiment d’orgueil national les suit et les protège dans leurs courses lointaines. Si jamais entreprise hardie avec sagesse a poussé dans des voies larges et sûres le commerce d’une ville maritime, c’est le Lloyd autrichien de Trieste. Fondé par des Anglais qui n’en surent tirer que des pertes, il passa en 1836 entre les mains d’une compagnie triestaine qui, sous l’énergique direction du baron de Bruck, aujourd’hui ministre des finances de l’empire, s’est fortifiée à chacun des pas qu’elle a faits. Les débuts de cette entreprise, qui couvre les mers du Levant de ses navires, ont été humbles. Un bâtiment à vapeur appelé l’Archiduchesse Sophie, nom de bon augure par la rare élévation d’esprit qu’il rappelle, commença par faire un service de quinzaine entre Trieste et Venise; le service fut bientôt hebdomadaire, puis il eut lieu deux fois par semaine, puis il devint quotidien. Cette marche ascendante d’une première tentative invitait un public peu familier avec les effets infaillibles du perfectionnement des communications à suivre avec confiance des hommes qui lisaient dans un avenir encore obscur pour lui. Le Lloyd consolida d’abord, par l’exploitation de services qu’aucune concurrence ne pouvait lui disputer, la base sur laquelle devaient s’élever plus tard des opérations plus chanceuses. Ses navires rattachèrent, dans leurs courses régulières, les côtes de l’Istrie et de la Dalmatie à leur port métropolitain; Pirano, Rovigno, Fiume, Zara, Raguse étonnées, communiquèrent à jours fixes avec Trieste. Bientôt après, la Romagne, les Marches, l’Albanie, l’Épire, furent desservies. La Grèce, avec Nauplie, le Pirée, Chalcis, suivit de près. Les bâtimens du Lloyd ne sortaient pas de l’Adriatique, que déjà l’Archipel, Salonique, Smyrne, Beyrouth, Ptolémaïs, Alexandrie, sollicitaient leur admission dans le réseau qui commençait à se former. Enfin le Lloyd pénétra dans la Propontide et la Mer-Noire, et prit, sous les yeux de la porte et de la Russie, possession des lignes de Constantinople à Sinope, à Trébizonde, à Varna, à Ibraïla, à Galatz. Ainsi la compagnie s’organise d’abord sur le littoral de l’Autriche; elle ne s’étend sur la Méditerranée ultérieure que quand elle se sent affermie dans l’Adriatique, et tranquille sur la Mer-Noire, nous la verrons bientôt aspirer à s’élancer, par le percement de l’isthme de Suez, dans la Mer-Rouge.

La compagnie du Lloyd a fait en 1854[1] un examen rétrospectif

  1. Vintesimo primo congresso generale della società di navigazione a vapore dell Lloyd austriaco tenuta in Triesta il 31 maggio 1854.