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ront avoir des égaux, mais non des maîtres sur la Méditerranée : la première guerre où elle sera engagée apprendra au monde si elle peut leur donner des officiers dignes de les commander.

L’administration autrichienne a jusqu’à présent calqué ses institutions maritimes sur celles de l’armée de terre : elle appelle un capitaine de vaisseau colonel, un capitaine de frégate lieutenant-colonel, un capitaine de corvette major, et beaucoup des officiers de sa jeune escadre ont fait leur apprentissage dans les troupes à pied ou à cheval. C’était une nécessité d’une première formation, et une école navale, organisée sous les yeux de l’archiduc Maximilien, donne aujourd’hui à l’état-major de la flotte des élémens mieux préparés. Les équipages ne se recrutent pas en Autriche comme en France et en Angleterre : la population maritime n’y est point une sorte de réservoir dans lequel l’état puise ou reverse des matelots, suivant les besoins respectifs de la guerre et du commerce. On lève les matelots absolument comme des soldats. Seulement les populations de l’Istrie, de l’Illyrie et de la Dalmatie sont, en raison de leur familiarité avec la mer, spécialement affectées au service de la marine, et leurs conscrits lui doivent, comme ceux de l’intérieur de l’empire à l’armée de terre, huit années de leur existence. Il suit de là que les cadres de l’armée de mer autrichienne n’ont point l’élasticité dont on se trouve si bien dans d’autres pays, et sont exposés par les conditions de l’éducation des hommes de mer, tantôt à tenir embarqués des matelots inutiles, tantôt à manquer d’un effectif nécessaire.

Il ne suffit pas de constater la valeur personnelle des marins dont dispose l’Autriche, il faut encore en connaître le nombre, et les conjectures que nous pouvons faire à cet égard doivent approcher beaucoup de la vérité. L’administration autrichienne ne s’est point livrée, que nous sachions, sur la force de son personnel naval, à des recherches que n’exige point la pratique du mode de recrutement adopté. L’administration française, pendant le peu de temps qu’elle a géré les affaires des provinces illyriennes, a eu des motifs d’être plus curieuse : elle a voulu faire à cette contrée l’application du système des classes, et le dénombrement préparatoire qui a précédé en 1813 l’établissement des contrôles nominaux de l’inscription maritime a signalé dans ces parages l’existence de 43,500 matelots ou ouvriers de vaisseau, savoir :

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Au quartier de Trieste 12,000
— de Fiume 6,000
— de Zara 9,500
— de Spalatro 5.000
— de Raguse 8,500
— de Cattaro 2,500

Cet effectif équivalait au tiers de celui des côtes de l’ancienne France