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et les cas particuliers d’une force agissant sur les astres eux-mêmes, qui pouvaient tendre vers le soleil, comme une pomme est attirée vers la terre. Quelque vague que fût cette idée, il essaya pourtant de la vérifier ; mais, trompé par une fausse mesure de la distance de la terre à la lune, il y renonça pour le moment. Le pommier était encore debout en 1814 ; un orage le renversa en 1820, mais on en a conservé le bois, qui est aujourd’hui entre les mains de M. Turnor.

La peste avait duré peu de temps, et les étudians étaient revenus à Cambridge. Newton commençait. Quoiqu’il ne publiât rien, et qu’alors même qu’il n’était pas trop jeune pour découvrir, il ait dit qu’il attendait l’âge d’occuper le public, ses maîtres devinaient peu à peu son génie. Les mathématiques l’occupèrent d’abord exclusivement ; mais bientôt, ayant lu la Dioptrique de Descartes et l’Optique de Gregory, il acheta un prisme et fit quelques expériences sur la lumière. Le professeur Barrow, qui publia ses leçons à la même époque, parle de lui dans une préface, et le remercie de ses conseils. Ce mélange de mathématiques et d’optique le conduisit bientôt à l’étude des surfaces réfléchissantes et de la meilleure construction des miroirs de télescope, La chimie le captivait aussi parfois, et il n’en abandonna jamais l’étude pendant sa vie entière. Enfin en 1667 il fut élu minor fellow ; en 1668, il prit ses degrés de maître ès-arts, et en 1669 il fut nommé à la chaire lucasienne d’optique[1]

. Toutes ces études diverses étaient interrompues par les travaux nécessaires à ses examens et par quelques lectures dont on voit l’énumération sur ses carnets de dépenses. C’est ainsi qu’il lisait alors Bacon, dont il fit toujours peu de cas, l’Histoire de la Société royale de Londres, etc. Les livres n’étaient pas ses principales acquisitions, et l’énumération des volumes achetés est accompagnée sur ses agendas de listes de produits chimiques, de métaux pour les télescopes, d’oxyde de zinc pour polir les miroirs, de prismes, etc. Ainsi il était occupé à la fois de mathématiques, d’optique et d’alchimie, et cette dernière science le préoccupait à un tel point, que dans une lettre écrite à un de ses amis, M. Aston, qui abandonnait Cambridge pour voyager sur le continent, il parle sérieusement du grand œuvre et des alchimistes. Voici cette lettre qu’on a conservée : elle est curieuse par un mélange de bon sens et d’idées fausses, de raison et d’illusions que pouvait produire la vie solitaire et sauvage d’un grand esprit.

  1. Fondée en 1663, par Henri Lucas, membre du parlement. Le premier titulaire fut Barrow, le second Newton.