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dans le monde matériel en pût donner une idée sensible. Rien dans la création n’est comparable aux êtres dont elles s’occupent ni aux idées quelles combinent. Vouloir expliquer à des lecteurs qui n’ont pas approfondi les mathématiques les découvertes de Newton dans ce domaine, les nouveaux êtres qu’il a formés, les procédés par lesquels il a permis à ses successeurs d’en trouver de nouveaux encore, ce serait une prétention analogue à celle de Locke lorsqu’il décrivait à un aveugle les effets des, couleurs. Ajoutons aussi que la plus grande qualité des mathématiques étant leur exactitude et la précision des déductions, les à peu près ne seraient pas supportables, s’ils étaient possibles. Sur une pareille route, nos lecteurs seraient probablement aussi peu en état de nous suivre que nous serions inhabile à les guider.

Si toutefois nous passons sous silence les travaux mathématiques de Newton, ce n’est pas qu’il faille les dédaigner : ils sont les fondemens inébranlables de la philosophie naturelle, et c’est à eux qu’il doit d’avoir donné à toutes ses découvertes le caractère de la certitude. Tous les savans ont fait des théories, et toutes les théories ont été renversées. C’est souvent l’impartialité seule qui porte à admirer les découvertes des anciens : on tient compte des difficultés qu’ils ont rencontrées à imaginer même leurs erreurs. Newton, appuyé sur l’expérience et les mathématiques, n’a jamais enseigné que la vérité, et si l’on a ajouté à ses travaux, on les a rarement corrigés. Enfin, fût-il mort à vingt-quatre ans, sans avoir appliqué la méthode des fluxions ni le calcul différentiel qui en dérive, il aurait encore un grand nom. Leibnitz, qui ne peut pas même être soupçonné de justice envers son rival, disait à un souper chez la reine de Prusse que si l’on divisait en deux parties les travaux mathématiques de Newton et ceux de tous les mathématiciens depuis le commencement du monde jusqu’à lui, la part de Newton serait la plus grande.

Newton avait remplacé Barrow, et fut conduit à faire des expériences d’optique. Un prisme acheté à la foire de Stourbridge lui montra bientôt un phénomène singulier. Un rayon de lumière projeté sur une de ses faces ne ressortait pas avec la même direction. Ce phénomène, déjà étudié par Descartes, porte le nom de réfraction. Toutes les fois qu’un rayon de lumière passe d’un corps transparent dans un autre d’une densité différente, il est dévié. Tous les jours nous sommes témoins d’effets de ce genre, et il est inutile d’y insister. Ainsi c’est la réfraction qui fait paraître plié un bâton enfoncé dans l’eau, parce que les rayons qui en émanent sont déviés au moment où ils passent de l’eau dans l’air ; c’est elle encore qui nous donne de fausses idées sur la situation réelle des astres, parce que leurs rayons, en passant de l’espace vide dans l’atmosphère, ou