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et par conséquent la densité est facile à déduire. Ainsi la terre est plus dense que Jupiter, Jupiter plus dense que Saturne, et le soleil est moins dense que la terre, mais plus dense que les deux autres planètes. Newton est même allé si loin, qu’il put calculer la pesanteur des corps dans le monde entier, et trouva qu’un corps pesait 23 fois plus sur le soleil que sur la terre.

Voilà dans sa généralité, et avec quelques détails nécessaires pour faire comprendre la suite des raisonnemens, l’exposé de la découverte capitale de Newton. Les déductions qu’il en a tirées sont innombrables, et le livre des Principes est un exposé fidèle du système du monde, des mouvemens de tous les astres avec leur cause, de leurs irrégularités, de leurs actions mutuelles. La véritable cause des marées, l’attraction de la lune, l’est donnée, ainsi que l’explication des orbites et des formes de toutes les planètes, de la figure de la terre et de la précession des équinoxes. Pour exposer tout cela, il faudrait un traité d’astronomie, comme pour parler de toutes les découvertes de Newton sur la lumière, il aurait fallu un traité d’optique. Newton créait une science toutes les fois qu’il observait un phénomène. Il nous a suffi de compléter par quelques données précises les notions vagues que chacun possède sur la gravitation, et de montrer comment avec une seule force, l’impulsion primitive étant donnée, le mouvement elliptique des corps célestes peut durer éternellement. On conçoit d’ailleurs ce que doit être le livre contenant une pareille découverte et écrit par un tel homme, qui remplaçait par une force connue de tous, dont les lois et les effets avaient été cent fois étudiés et observés, ces sphères de cristal des anciens, ces tourbillons incompréhensibles de Descartes, ces anges sans cesse en mouvement que ne rejetait pas Kepler, toutes ces théories enfin qui s’adressaient à l’imagination et non à la raison. Dans le livre des Principes, la force qui retient les astres dans leurs orbites et leur fait parcourir sans cesse le même chemin, sous l’action d’une impulsion première, est énoncée et démontrée sans mystères et sans hypothèses ; les mouvemens des astres sont expliqués tels qu’ils sont par des calculs longs et compliqués, il est vrai, mais dans lesquels un mathématicien se reconnaît sans peine. Instruits par ce livre, Il semble que les hommes n’ont plus le droit de dire ce que pourtant Newton disait lui-même : « Nous sommes des enfans qui ramassent des pierres sur le bord du grand lac de la Vérité. »


PAUL DE REMUSAT.