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héroïques, — tous révèlent, malgré la rapidité du pinceau, je ne sais quel instinct de l’idéal ou quelle science des modèles déjà créés qui reproduit sur les vases les plus simples des types admirables, de sorte que, si les antiques des musées venaient à périr, si Pompéi et ses dépouilles recueillies à Naples étaient ensevelies de nouveau par le Vésuve, si nos petits-fils retournaient à la barbarie, les vases seuls suffiraient pour assurer à la nation grecque l’honneur immortel de sa beauté. Ses détracteurs en seraient toujours réduits à ne critiquer que sa perfection trop constante, et Faust, après avoir éprouvé le néant de tout ce que l’homme rêve, souhaiterait encore, pour ivresse suprême, de rappeler Hélène à la vie et d’être son époux.

Telle est la différence de nos impressions sur deux peuples qui ont multiplié à plaisir leurs images, celui-là en se calomniant, celui-ci en se divinisant. Assurément les Chinois sont moins laids, les Grecs étaient moins beaux ; mais pourquoi les uns tournent-ils tout en caricature ? pourquoi les autres ont-ils su tout ennoblir ? Pourquoi l’esprit positif des Chinois se rit-il du lendemain de la vie, tandis que dans leur vanité sublime les Grecs semblent avoir posé sans cesse pour la postérité ? Il faut croire à l’inégalité providentielle des races : les degrés de leur beauté marquent peut-être les degrés de leur intelligence. Entre l’angle facial de la race blanche et celui de la race noire, Il y a une échelle à laquelle correspondent les dépressions du cerveau : en haut on trouve l’Apollon du Belvédère, en bas le singe. La race jaune n’est qu’au second rang ; comment donc avec cette solidarité étroite de l’esprit et du corps, problème qui échappe à l’homme, comment décider si chez elle les types ont plutôt manqué à l’art, ou l’intelligence aux artistes ? Un voyageur me racontait qu’étant en Chine, il avait voulu se procurer quelques-unes des peintures aux tons éclatans, aux détails minutieux, qui reproduisent si fidèlement les traits et les costumes des habitans du pays. Il prit un peintre chez lui, convint du prix, fixa une tâche qui devait être accomplie en quinze jours : au bout de treize, tout était terminé. Alors le peintre, interrogé sur l’emploi des dernières journées, offrit au Français de nettoyer sa maison et de balayer sa cour. On eût fort surpris cet honnête homme en lui parlant de la dignité de l’art. En effet, je ne vois chez les Chinois rien qui mérite le nom d’art, dans le sens élevé du mot : je ne vois que de l’industrie. Ne cherchez pas des peintres ou des sculpteurs, il n’y a que des artisans.

Les principes du beau ont une source plus haute que les perceptions des sens. Toutefois, si ce peuple matérialiste voulait s’en tenir à la seule expérience, il pouvait trouver dans l’interprétation de sa propre nature des généralités heureuses, des grâces qui n’attendaient que d’être dégagées, un type digne d’être créé. Cette pensée me retenait arrêté dernièrement devant un petit Chinois de